Changer La Politique Du Gouvernement Sur La Question Armenienne

CHANGER LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT SUR LA QUESTION ARMENIENNE
par Jean Eckian

armenews
jeudi25 mars 2010

TURQUIE

Par Cengiz Aktar – Hurriyet Daily News

Victorieux aux elections de juillet 2007, le parti au pouvoir Justice
et Developpement, ou AKP, avait trouve sur son bureau en octobre,
la resolution de la Chambre sur le Genocide Armenien a la Chambre
des Representants des Etats-Unis.

A l’epoque, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait mis en
garde sur les consequences possibles du vote de la resolution. "Les
USA feront un tort considerable aux liens bilateraux avec l’un de ses
allies clef de la region. Les developpements possibles avec l’Armenie
deviendront moins envisageables."

La Commission des Affaires Etrangères de la Chambre avait vote la
resolution le 10 octobre 2007, tout a fait comme en mars 2010. A la
suite du vote, Erdogan avait dit qu’ils travaillaient activement
sur des mesures a prendre, disant : "Ce ne sont pas des paroles,
mais des actes," après qu’on l’ait questionne sur le sort de la base
aerienne d’Incirlik.

Malgre cela, le partenariat entre les deux pays ne s’est pas distendu ;
au contraire, en particulier après l’accession a la presidence d’Obama,
le partenariat Turquie-USA s’est developpe davantage. Malgre les
rumeurs qui etaient a l’epoque qu’Erdogan pourrait annuler son voyage
aux USA prevu pour novembre 2007, la visite eut lieu le 3 novembre.

S’agissant des relations avec l’Armenie, la mise au point des
Protocoles, alors justes lances a cette epoque, s’est poursuivie et
l’accord sur leurs principes a ete signe a l’automne dernier.

Les projets de resolution sur le Genocide Armenien, qui ont ete votes
depuis 1965 dans divers parlements a travers le monde, n’ont jamais
provoque autant de tension entre la Turquie et les 20 pays qui les
ont ratifies que celle apparue ces jours-ci entre la Turquie et les
USA et entre la Turquie et la Suède.

La seule tension serieuse, autant que je me souvienne, s’etait produite
lorsque la Turquie avait rappele son ambassadeur a Paris Hasan Esat
Isik, parce qu’un monument avait ete inaugure a Marseille en 1974. Dans
un passe recent, la Turquie a eu une reaction similaire envers le
Canada, mais qui n’a pas dure. Au contraire, Erdogan a visite ces 20
pays a de nombreuses reprises, a l’exception de l’Armenie et de la
Republique de Chypre. Aucune alteration des relations economiques n’en
a resulte. La France a meme ete invitee a nouveau a faire des offres
de marches militaires après avoir ete mise a l’index un certain temps.

Une diplomatie ferme mais inefficace.

Par rapport aux annees precedentes, en matière d’affaires etrangères,
il est evident que le gouvernement renforce sa posture. Nous comprenons
a present pourquoi le ministre turc des affaires etrangères Ahmet
Davutoglu est compare a l’ancien Secretaire d’Etat Henry Kissinger,
un champion de la politique etrangère musclee.

Le rappel d’ambassadeurs de Stockholm et de Washington l’un a la suite
de l’autre pour consultations ; la demande de garanties inconcevables
a l’administration des USA que la Resolution de la Chambre n’arrivera
pas jusqu’a la phase de discussion ; annuler et non pas seulement
retarder un sommet a deux prevu pour avoir lieu a Stockholm : la
recommandation aux cercles d’affaires, de prendre des distances
avec ces pays : la menace de deporter les travailleurs clandestins
d’Armenie en represailles aux resolutions sue le Genocide – imitant
en cela la decision d’Idi Amin Dada d’expulser les hommes d’affaires
musulmans d’Inde et du Pakistan en 1972.

Mais tout cela n’apparaît que comme des menaces verbales creuses qui
desservent la credibilite de la politique etrangère turque.Parce que
finalement Erdogan se rendra aux USA accompagne par l’Ambassadeur
turc, et pourra peut-etre discuter, entre autres sujets, de la
question armenienne.

Les relations avec notre plus grand allie de l’Union Europeenne,
la Suède, redeviendra elle aussi normale. Les Protocoles signes
avec l’Armenie seront geles au moins jusqu’a la fin de la periode
electorale. Mais nous pourrions esperer un engagement pour la Turquie
a faire des gestes de retour a la confiance après le voyage d’Erdogan
a Washington.

Qualifier les actes de parlements etrangers comme "non convenables",
"sans aucune valeur", "une comedie", "ridicule" et "un spectacle
organise par la diaspora" relève soit de l’insulte soit de la menace.

Le gouvernement de Turquie a pris une initiative critique a l’ete
2007 pour aller au-dela du refrain habituel vieux d’a peu près quatre
vingt dix ans utilise a propos du Genocide Armenien. Independamment
de ses objectifs, c’etait une etape courageuse et critique. Mais a
cause de rigidites au sein du gouvernement, l’initiative a ete avortee.

Maintenant, le chef et les membres du gouvernement se debattent,
passant de la manifestation de leur colère a celles de l’honneur
national et d’orgueil.Tout au contraire, ils devraient se calmer
et trouver des voies de normalisation avec l’Armenie. Entre temps,
les officiels pourraient et devraient faire un effort pour consulter
d’autres sources que la thèse negationniste sur ce qui est arrive
aux Armeniens d’Anatolie a la fin du 19eme siècle et au debut du 20eme.

Parce qu’il est impossible pour la Turquie – et pour l’AKP, sur ce
sujet – de continuer de parler de changement democratique d’un côte,
et de l’autre, approuver les actes des gouvernements ottomans du
debut du 20ème siècle.

18 mars 2010

Cengiz Aktar est professeur d’etudes europeennes a l’Universite de
Galatasaray Bahcesehir d’Istanbul et politologue.