"Pourquoi Le Genocide Armenien Est-Il Encore Un Tabou?" Par Erol Ozk

"POURQUOI LE GENOCIDE ARMENIEN EST-IL ENCORE UN TABOU?" PAR EROL OZKORAY
par Stephane

armenews
mercredi31 mars 2010
Presse Turque

J’ai entendu parler la première fois du Genocide Armenien pour
la première fois a Paris dans les annees 1970, et la question très
logique que je me suis pose et egalement exprimee a l’epoque (articles
universitaires, lettre au courrier des lecteurs du journal Le Monde,
etc.) est la suivante : si la Republique de Turquie est fondee sur
le rejet de l’Empire Ottoman, alors pourquoi le Genocide Armenien
n’est-il pas mis a la charge des Ottomans ? Pourquoi la Republique
Turque assume-t-elle la responsabilite de cet evenement scandaleux, qui
est le premier crime contre l’humanite du 20 ème siècle et le premier
genocide de ce siècle ? Plus tard, dans ma carrière de journaliste,
cette question est toujours restee sur mon agenda.

Je suis en general connu comme le journaliste qui a explique le
terrorisme armenien (Asala) contre la Turquie pendant les annees
1980-84. J’etais socialiste, mais j’etais en meme temps oppose
au terrorisme, et mes articles ont meme provoque la rupture des
relations entre le gouvernement socialiste de Francois Mitterrand
(que je soutenais) et la Turquie. Ma famille et moi ainsi que mes amis
avons beaucoup souffert de l’Asala : le père de mon ami Nazan Erez,
l’Ambassadeur de Turquie en France Ismail Erez a ete tue en service
a Paris ; mon ami Gokberk Ergenekon etait blesse a Rome ; mon nom
a ete mis dans la liste noire de l’Asala et retire seulement après
que j’ai rencontre l’avocat de l’Asala d’alors Patrick Deveddjian,
qui est aujourd’hui Ministre du gouvernement francais de la relance
economique (en 1982, je ne voyais pas ces evenements comme un genocide
mais n’acceptait pas la version officielle de la Turquie non plus)
; mon cousin Sitki Sencer a ete pris dans les echanges de tirs au
cours de l’attaque de l’Asala de l’aeroport Esenboga d’Ankara et a ete
touche huit fois par les policiers turcs (il a survecu miraculeusement)
tandis que ma mère et ses s~urs, egalement presentes, en sont sorties
indemnes de justesse. En realite, la liste est beaucoup plus longue,
mais si j’evoque ces faits ici, c’est pour montrer que j’ai beaucoup
travaille sur la question armenienne, que je la connais bien et que
j’en ai souffert, et que j’ai donc le droit d’en parler comme je vais
le faire ici. En d’autres termes, les choses que je dis ici sont les
conclusions auxquelles un intellectuel est arrive un intellectuel
après 35 annees d’engagement dans cette question et après des revisons
repetees de sa position.

Commencons par le debut…les annees passant, mes lectures ont
progresse et de nouveaux documents et livres sont apparus, j’ai
realise que la question que j’avais posee (mettre le genocide a la
charge des Ottomans) tenait du sophisme et etait vide de sens, pour
au moins trois raisons.

D’abord, meme si Mustafa Kemal ne s’est pas entendu avec le triumvirat
Talat-Enver-Cemal et n’a pris aucune part dans le Genocide Armenien,
du fait qu’il etait engage sur le front de la bataille de Gallipoli
au moment où il se deroulait, ce qui dans un sens lui permis d’etre
designe comme dirigeant, le genocide qui avait deja ete accompli
le servait structurellement très bien, parce qu’il abonde le regime
republicain sur la race turque. Lors des annees 1926-1927, le discours
sur la race turque constituait l’essentiel de l’ideologie de l’etat
(race turque egale nation turque), et donc l’Anatolie devait etre
nettoyee de tous ses elements chretiens et etrangers (Armeniens,
Grecs, Assyriens et Kurdes). Ces politiques de nettoyage ethnique,
culturel, economique et social ont ete activement appliquees par
sept executants du genocide pendant le periode republicaine. Aucun
Armenien, aucun Grec et aucun Assyrien ne restaient en Anatolie. Seuls
les Kurdes ont resiste, et en depit de quatre genocides, ils ne purent
etre extermines. Ne serait que pour cela, toute personne en Turquie
devrait respecter le combat des Kurdes pour leur vie et leurs droits.

Ainsi, il y a une continuite heritee des Ottomans par rapport a l’
‘annihilation massive’. En 95 ans, dix Genocides ont ete accomplis
sur ces terres (voir les archives a ). Parmi les
fondateurs de la Republique, se trouvaient des assassins qui avaient
ete impliques dans le Genocide Armenien, qui avaient organise et
execute le Genocide armenien .

Deuxièmement, il existe un autre lien de continuite entre les
Ottomans et la Republique, c’est l’argent et les biens confisques
aux Armeniens qui ont joue un rôle determinant dans le financement
de la guerre d’independance. Mise a part l’aide en argent et en
armement recue de Lenine, la plus grande source de financement de la
guerre d’independance etait l’argent approprie grâce au genocide des
Armeniens. Avec cet argent, des armes ont ete achetees, une armee a
ete organisee et sa logistique assuree. Les personnes impliquees dans
ces actions formèrent une nouvelle classe sociale dont la fortune
provenait de la propriete des Armeniens (par exemple, le portier
Haci Omer Sabanci est l’ancetre de la famille Sabanci d’aujourd’hui,
et l’epicier Vehbi Koc, le père de la famille Koc d’aujourd’hui),
et c’est sur ces bases sociales que le mouvement a emerge.

Troisièmement, les assassins impliques dans le Genocide Armenien
(je parle ici des gens qui ont du sang sur les mains) vinrent former
une partie de l’elite politique et administrative du nouveau regime
republicain. Ils se sont achete une respectabilite en donnant une
partie de l’argent des Armeniens qu’ils s’etaient approprie pour
financer la guerre d’independance. Mustafa Kemal pretendait ne pas
connaître leur passe. Quelques exemples : Sukru Kaya (ministre de
l’interieur, secretaire general du Parti Republicain du Peuple),
Mustafa Abduhalik Renda (president de la Grande Assemblee Nationale
turque), Aril Fevzi (ministre), Ali Cenani Bey (ministre de
l’industrie), Rustu Aras (ministre des affaires etrangères). Une
fois de plus, il y a continuite de la periode ottomane. Mustafa Kemal
beneficia de ces gens ; il s’en est servi, et a donne a ces assassins
des positions eminentes dans la Republique.

Les raisons qui ont fait du Genocide Armenien un tabou sont cachees
dans ces trois observations. Autrement, il aurait ete très facile
de resoudre le problème en faisant supporter le genocide par les
ottomans. La personne qui a attire l’attention des intellectuels
turcs sur le sujet du Genocide Armenien est Taner Akcam. Du fait des
raisons que j’ai indiquees, a chaque fois que l’expression ‘Genocide
Armenien’ est prononcee, les gens qui manquent de bon sens en Turquie
deviennent fous furieux . Ce que je dis ici, contrairement a la thèse
historique officielle, la Republique turque n’a pas ete fondee a la
suite d’une guerre anti-imperialiste (dans la guerre d’independance,
l’armee ne s’est battue que contre les Grecs, et non contre la France
et l’Angleterre, qui etaient les puissances imperialistes du moment),
elle a ete fondee sur le Genocide Armenien . Ce reexamen signifie que
ce qu’on vous a dit et ce qu’on a dit a tout le monde doit etre jete
a la poubelle. C’est la vraie raison pour laquelle il y a un grand
traumatisme a chaque fois que quelqu’un dit ‘Genocide Armenien’.

Tout a ete mensonge depuis 1923. En d’autres termes, la situation n’est
pas aussi simple que celle de l’etat cachant la realite du Genocide,
comme le disent a present certains intellectuels.

Aujourd’hui, quand on parle de reconnaissance du Genocide Armenien,
tout pratiquement doit etre mis sur la table : la Republique,
le Kemalisme, l’etat, l’ideologie d’etat, ceux qui ont fonde et
gouverne la Republique, le regime de la Turquie, le système politique
de ce pays, son armee, ses universites, ses programmes educatifs,
sa presse, ses elites, ses hommes d’affaire (la source de certaines
accumulations de capitaux), les tribunaux, les partis politiques,
etc. Il est evident en soi que personne ne peut faire face a une
telle confrontation. Specialement dans le regime crypto-fasciste et
crypto-totalitaire où nous vivons, c’est très difficile – pour ne
pas dire impossible – de solder les comptes, compte tenu des points
enumeres plus haut, meme en reve !

Cette situation traumatique , dans ses dimensions historique, politique
et intellectuelle, est a des kilomètres au-dela des capacites de
notre gouvernement islamiste actuel. Rien ne peut etre accompli
avec les protocoles signes entre l’Armenie et la Turquie. En tous
les cas, les forces invisibles d’Ankara n’ont elles pas rendu nuls
les protocoles au bout de 24 heures, et de la propre main du premier
ministre ? Cet etat, avec sa structure actuelle, repoussera toute
solution qu’il pourrait accepter. Le problème peut etre resolu –
comme les autres problèmes du pays – seulement par un homme d’etat
ayant les plus hautes aptitudes intellectuelles, qui a interiorise
la culture de la democratie et forme l’opinion publique dans ce
sens. Il est impossible pour des petites personnes ordinaires de
vaincre les problèmes gigantesques de la Turquie. Il nos faut des
hommes politiques et des hommes d’etat de la classe de Mitterrand,
Allende et Felipe Gonzales pour resoudre ces problèmes qui nous
rongent. En d’autres termes, il nous faut des grands hommes.

Erol Ozkoray

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Traduction Gilbert Beguian

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