SORTIE DU LIVRE " GENOCIDES DE LA FIN DE LA PERIODE OTTOMANE "
par Stephane
armenews
jeudi6 mai 2010
GENOCIDE
Titre : Late Ottoman Genocides. The Dissolution of the Ottoman Empire
and Young Turkish Population and Extermination Policies (Genocides
de la fin de la periode ottomane. La chute de l’empire ottoman et
les politiques de la population et d’extermination).
Auteurs : Schaller Dominic J. ; Zimmerer Jurgen
Lieu : Londres
Maison d’Edition : Routledge
Annee : 2009
ISBN : 978-0-415-48012-3
Prix : 116 S. ; $ 115.00
De recents evenements suggèrent que des chercheurs, des politiciens et
le public dans son ensemble en arrivent a une nouvelle comprehension du
Genocide Armenien. Une "feuille de route" conduisant a des relations
diplomatiques normales entre l’Armenie et la Turquie est maintenant
finalement consommee. L’hesitation du gouvernement des Etats-Unis
relative a la reconnaissance du Genocide Armenien semble s’etre quelque
peu emoussee avec l’ascendance du president Barack Obama. Sur le front
des specialistes, de nouvelles et plus comparatives perspectives ont
commence a repandre une nouvelle lumière sur la portee, le deroulement
et l’importance de la politique interieure ottomane pendant la
première guerre mondiale. L’ouvrage etudie ici, ‘Genocides de la fin
de la periode ottomane’, presente un cas exemplaire de la sorte de
nouvelles directions que les historiens peuvent suivre en etendant
notre comprehension collective des deportations et massacres qui ont
caracterise la chute de l’ordre imperial ottoman.
L’unicite de cet ouvrage est dans son sujet central. Les auteurs
Dominik Schaller et Jurgen Zimmerer relèvent avec pertinence que la
destruction de la population armenienne pendant la première guerre
mondiale ne represente qu’une fraction de la plus grande politique
interieure engagee par les Jeunes Turcs (egalement connus comme
Comite Union et Progrès ou CUP). Les deportations de masse et le
massacre d’Armeniens, ainsi que l’expropriation generale des terres
appartenant auparavant a ces citoyens condamnes, faisaient partie et
d’un ambitieux et vaste programme de refonte sociale et demographique
de l’Empire Ottoman. Avec les centaines de milliers d’Armeniens
deplaces de force pendant la guerre, le regime CUP visait un nombre
non determine [de personnes appartenant a] d’autres communautes en
Anatolie et au Levant, comprenant des Grecs, des Assyriens, des Kurdes,
des Arabes et des refugies musulmans de diverses origines.
L’objectif recherche par ce volume va au-dela de la preuve, une
fois encore, de l’intention genocidaire du regime ottoman. Chacun
des articles contributifs rassembles dans cet ouvrage compliquent
justement et avec competence notre comprehension des myriades de
deportations qui se sont deroulees et ajoute de nouveaux aspects des
annees de la fin de l’empire ottoman.
Pour comprendre comment "les Genocides de la Fin des ottomans"
tente de reformer la narration traditionnelle des deportations de
la Première Guerre Mondiale, on doit d’abord regarder les sources
d’archives exceptionnelles et jusqu’alors inexplorees qui servent
de base a chacun des articles qui composent cet ouvrage. Au total
sept contributeurs ont ete rassembles pour ce projet (les versions
precedentes de chaque article etaient apparues dans un numero special
du "Journal de la Recherche du Genocide"). La reevaluation d’ Ugur
Umit Ungor de la continuite de la politique d’etat en Anatolie de
l’est entre la fin de la periode ottomane et le debut de la periode
de la Republique met en lumière de riches exemples de correspondance
interne et d’etudes ethnographiques ecrites par les architectes de la
deportation. L’etude par Matthias Bjornlund des rapports Danois sur
le nettoyage ethnique des Grecs egeens en 1914 rend compte d’autres
elements sur la notion que les sources occidentales traitant de la
politique interieure des jeunes turcs etaient par nature biaisee par
leur antagonisme du temps de guerre. Daniel Marc Segesser demontre
de facon convaincante qu’un debat bien construit sur le caractère
juridique et l’importance du Genocide Armenien s’est developpe au
moment où les evenements se deroulaient. Les revelations les plus
intrigantes et interessantes avancees dans ce volume se trouve dans
les contributions de Herve Georgeloin et Dikran Kaligian. L’etude
de Georgelin de recits verbaux se trouvant au Centre pour les Etudes
d’Asir Mineure (CAMS) exprime a quel point la souffrance des chretiens
orthodoxes etait liee (et etaient, quelquefois, equivalentes) a
celle de leurs voisins armeniens. Basee sur les annees ayant precede
le Genocide Armenien, l’etude de Kaligian des communiques internes
de la Federation Revolutionnaire Armenienne (FRA), suggère que la
confrontation entre l’etat ottoman et les nationalistes armeniens
n’etaient pas inevitables. Au lieu de cela, les agents de la FRA
semblent avoir assurement espere de cooperer et de s’engager auprès
du regime jeune turc. Ce n’est qu’après des actes croissants de
violence dans les provinces de l’est (avec les Kurdes locaux servant
d’executants) que la FRA chercha a se rearmer et a se defendre.
Pris dans son ensemble, l’ouvrage offre aux chercheurs sur le Genocide
Armenien des directions nouvelles pour la recherche et la reflexion
futures. La notion de regarder de plus près la grande variete des
victimes de la politique demographique interieure du CUP nous renvoi
au defi fondamental d’essayer de comprendre le contexte historique
et social des multiples genocides qui se sont passes pendant cette
periode. Clairement, les jeunes turcs possedaient une vision assez
complexe (bien que non complètement achevee) de l’unite sociale de
l’empire, et en consequence, ils ont cherche a gerer la remise en
ordre de la composition demographique au niveau le plus local. La
recherche conduite par Ugur Umit Ungor et Herve Georgelin, suggère
que nous devrions regarder de plus près les diverses manifestations de
l’administration du CUP du temps de la guerre afin de comprendre les
differences et les liens qui ont trait a l’histoire des Kurdes, des
Grecs, des Assyriens et des immigrants musulmans en Anatolie. Dikran
Kiligian developpe ce point encore plus dans son etude de la FRA. Il
nous rappelle, avec Georgelin, que les deportations et les massacres
d’armeniens n’etaient pas un acte fatal. Les deux travaux nous poussent
a considerer comment les diverses communautes d’Anatolie (aussi bien
musulmane que non-musulmane, native ou immigree) interagirent a divers
niveaux et tentèrent de comprendre leur futur individuel et partage.
Quand on evalue chacune de ces contributions, il y a une idee que
chaque auteur devrait reconsiderer. Chaque article constituant ce
volume, en general et souvent sans se poser de question, parle des
turcs et du nationalisme turc comme si les deux concepts etaient
fermement delimites et concrètes au moment du genocide. Dans les
annees recentes, les chercheurs sur l’empire ottoman et la Republique
de Turquie en sont venus a remettre en question toute notion unitaire
d’identite turque au niveau local et au niveau de l’etat. D’un côte,
beaucoup de ceux qui ont dirige l’etat turc pendant la première guerre
mondiale n’etaient pas, selon eux-memes, des Turcs au sens le plus
vrai. On peut citer par exemple Abdulhalik Renda, gouverneur du temps
de guerre d’Alep, dont a souvent repete qu’il etait un albanais de la
province turque de Yahya. D’un autre côte, les fonctionnaires ottomans
et republicains ont eu un regard plutôt mefiant vis a vis des Turcomans
en Anatolie (qu’ils soient Zeybeks d’Anatolie de l’ouest ou des groupes
alevis de l’est parlant le turc). En bref, cela nous conduit a etre
plus sceptiques sur le resultat final que le regime CUP esperait
obtenir par la reconstruction demographique de l’etat ottoman. Si le
Genocide Armenien et autres faits de violence ottomane auraient dû
beneficier aux "Turcs" de l’empire, nous devrions etre plus critiques
sur ce qu’etaient ces ‘Turcs’. La ‘turquicite’ fait elle reference
a a certaines classes de musulmans sunnites ? Ou en refère-t-elle a
certains membres de l’elite nationale ou locale ? Si on regarde les
lois de l’immigration de la fin des annees 1920 (alors une grande
variete de groupes ethniques et religieux etaient classes en divers
rangs selon leur desirabilite sociale et politique), nous pouvons
croire que le CUP et les dirigeants de la republique possedaient une
conception claire des groupes ethniques qui pourraient devenir ‘turcs’.
Laissant de côte ces considerations, "Les genocides de la fin de la
periode ottomane" est un document essentiel pour les chercheurs et les
etudiants du Genocide Armenien de la fin de l’Empire ottoman. Dans
leur composition et leur construction, les articles presentes dans
ce volume servent effectivement de repères sur la facon d’approcher
le futur de ce champ de recherche.
Ryan Gingeras, Lafayette College, Easton
Traduction Gilbert Beguian
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress