Un Amiral Pour L’Armenie

UN AMIRAL POUR L’ARMENIE
par Stephane

armenews
vendredi7 mai 2010

REVUE DE PRESSE

En 1915, l’amiral Dartige du Fournet a sauve 4 000 Armeniens du
massacre. Demain, une stèle et un concert vont le rappeler.

Demain, a 18 h 30, une delegation d’Armeniens venus de Cahors, Paris,
Erevan, Beyrouth et des Etats-Unis va, avec le sous-prefet de Sarlat
et les elus de Saint-Chamassy, devoiler une plaque de marbre blanc
du sculpteur libanais Boghos Agassi.

Cela se passera au cimetière où repose Louis Dartige du Fournet (1).

Le soir, l’orchestre armenien d’enfants Naregatsi jouera et chantera
a l’eglise.

Avant d’etre limoge suite a de graves incidents franco-grecs en
1916, cet officier de marine lie a l’annexion du Laos a la fin du
XIXe siècle, avait ete promu en 1915 commandant en chef des forces
alliees en Mediterranee.

Au large de la pointe nord de la baie d’Antioche, il fut confronte
aux massacres de chretiens armeniens perpetres par les Turcs. Dans
cette region du massif montagneux du Djebel Mussa (Mont Moïse),
sur l’ancien royaume de la Petite Armenie, les Ottomans en guerre aux
côtes des Empires centraux, avaient commence a harceler les Armeniens :
corvees, levee de taxes ou requisition de betail.

Refugies sur la montagne L’enlèvement de femmes armeniennes et
l’arrivee de colons turcs mirent alors le feu aux poudres : 700
Armeniens armes de fusils de chasse montèrent sur la montagne avec
familles et troupeaux.

Bachi-bouzouks ottomans et fanatiques pillards commencèrent a
harceler les fuyards. Les Armeniens, malgre un dernier accès a la
mer, se retrouvèrent vite cernes côte terre et manquèrent de vivres
et de munitions.

Le 5 septembre 1915, ils reussirent a attirer l’attention d’un bateau
francais, le croiseur Guichen, voguant sur la côte nord de la Syrie,
avec un drap blanc marque d’une croix rouge (symbole de la plaque
devoilee demain a Saint-Chamassy).

Son commandant prit contact avec le jeune chef armenien Pierre
Dimlakian. Des coups de canon furent echanges avec les Turcs, les
telegraphes crepitèrent et le lendemain, la Jeanne d’Arc et le Desaix,
de la meme 3e escadre, arrivèrent sur zone.

Le vice-amiral Dartige du Fournet sollicita des instructions auprès
de l’etat-major. Sans reponse precise, c’est finalement sous sa
responsabilite que, les 12 et 13 septembre, 4 080 Armeniens furent
embarques sur " la Foudre ", " le D’Estrees ", " le Guichen ",
" l’Amiral Charner " et " le Desaix ".

Bloquant les plages contre les Turcs, luttant contre le mauvais
temps, orchestrant un va-et-vient de radeaux vers les bateaux, les
marins francais donnèrent le meilleur d’eux-memes pour reussir cette
evacuation, direction Port-Saïd, en Egypte.

La, les Armeniens y furent accueillis en refugies avant, pour la
plupart, de se disperser dans leur diaspora, gardant toutefois le nom
de " Mussalertsi " (enfants du Mont Mussa). Leurs 50 000 descendants
sont nombreux aujourd’hui au Liban. Comme dit a Cahors Daniel Arabian,
" sans Dartige, ils n’existeraient pas ".

Bombardements

Comme on le lit aux Archives de la marine sous la plume du
contre-amiral Darrieus, " cette evacuation d’une majorite de femmes,
enfants et vieillards a ete possible grâce aux bombardements du
"Desaix" et du "Guichen", qui ont agi sur le moral des troupes
turques. " La marine britannique elle-meme a contribue au succès avec
son navire " Anne ".

Georges Kevorkian, ingenieur naval francais d’origine armenienne
estime, dans " La Flotte francaise au secours des Armeniens ", ce Mont
Moïse revelateur des contradictions d’alors de la France : protectrice
des chretiens d’Orient, elle ne peut agir qu’au coup par coup…

Armeniens en general et " Mussalertsi " en particulier ont remue ciel
et terre pour retrouver la tombe de Dartige du Fournet que, de leur
côte, les historiens Gilles et Brigitte Delluc ont ressuscite dans
un precieux bulletin de la Societe historique et archeologique du
Perigord (Shap) de 2007. Demain, l’Armenie martyrisee mais toujours
renaissante aura pour capitale d’un jour Saint-Chamassy.

(1) Des parents de sa femme habitent toujours le village. Lui est
decede a Perigueux en 1940.