Les discours des co-présidents en vidéo

Dîner annuel du CCAF
Les discours des co-présidents en vidéo

Le 28 janvier 2015, à l’occasion du dîner annuel du Conseil de
coordination des organisations arméniennes de France, en présence du
Président de la République François Hollande, Ara Toranian et Mourad
Papazian ont prononcé un discours marquant la centième commémoration
du génocide des Arméniens. Au cours de la soirée, le Président de la
Mission 2015, Alexis Govciyan a remis à Charles Aznavour le Médaille
du courage du CCAF.

Disours d’Ara Toranian

Monsieur le président ;

Qu’il me soit permis, avant toutes choses, de vous remercier d’avoir
bien voulu honorer de votre présence ce deuxième dîner du CCAF. Qu’il
me soit également permis de remercier messieurs les ministres, Madame
la maire de Paris, Anne Hidalgo, et l’ensemble des ambassadeurs et
personnalités – de Charles Aznavour à Bernard-Henri Lévy) qui sont à
nos côtés en cette année si symbolique, puisque pour la première fois
dans l’histoire, on commémorera les cent ans d’un génocide.

Il s’agit d’un événement exceptionnel – le prochain de ce type aura
lieu dans trois décennies pour les cent ans de la Shoah – et votre
présence ce soir, montre que la France est d’ores et déjà au
rendez-vous de l’histoire, à une hauteur digne de son rang.

Commémorer, c’est le propre de l’humanité, disait le philosophe Alain.
En particulier quand il s’agit de morts qui n’ont comme sépulture que
notre mémoire collective. Sur les terres où ils ont été exterminés, il
n’y a en effet aucun monument pour les Arméniens, pas même la moindre
plaque. Il n’existe de mausolées que pour leurs bourreaux. Et le seul
mémorial dédié aux victimes du génocide sur la terre où ils ont été
assassinés, dans le désert de Der zor, en Syrie, destination finale
des convois de la déportation, a été dynamité le 18 septembre dernier
par une organisation djihadiste, dont les liens avec Ankara posent
question.

Cet acharnement à poursuivre les morts jusque dans leurs ossuaires
témoigne d’une folie criminelle qui relève de la sauvagerie la plus
absolue. Une barbarie qui a traversé le temps, pour défigurer à
nouveau cette région en venant persécuter ce qu’il y reste
d’Arméniens, de Yézidis, de Kurdes libres, d’Assyro-Chaldéens, nos
frères d’infortune eux aussi ciblés par le génocide de 1915.

Mais cette barbarie a aussi hélas traversé l’espace pour venir frapper
au coeur notre capitale, Paris, notre presse, Charlie Hebdo, notre
communauté juive, porte de Vincennes, et ce à la veille du 70e
anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, qui est devenu la
date de commémoration de la Shoah, le génocide le plus meurtrier du
XXe siècle.

Monsieur le président, nous le savons bien, plus le monde se
mondialise, plus les questions se globalisent et plus nous avons
besoin de solidarité. Nous vivons en ce moment ce qui a été enfanté
hier et ce que nous ferons ou nous ne ferons pas aujourd’hui
accouchera de demain.

À ce titre votre présence annoncée le 24 avril prochain à Erevan,
constitue une réponse anticipée à toutes les opérations de diversions
qui visent à créer un événement international concurrent en Turquie ce
même 24 avril. Manoeuvres grossières qui n’hésitent pas à changer les
dates historiques pour les besoins de la cause négationnistes, la
bataille de Gallipoli, objet de ce rassemblement auquel M. Erdogan a
invité 101 chefs d’états, ayant toujours été célébrée le 25 avril jour
du débarquement des alliés et non le 24 avril, qui est dans le monde
entier le jour traditionnel de la commémoration du génocide des
Arméniens .

Monsieur le président, Les communautés arméniennes ont placé cette
année sous le signe de la mémoire et de la justice. Mais, faute de
temps, je ne m’appesantirai pas ce soir sur la question de la
spoliation des biens des Arméniens, de leur recel, la problématique
des restitutions, des réparations et du négationnisme d’état, dont
nous attendons toujours d’être protégés par la loi. Je ne parlerai pas
non plus des graves menaces qui pèsent sur l’Arménie et le Haut
Karabagh, toujours en butte au pan-turquisme, à l’Azerbaïdjan et aux
djihadistes qui se sont mis au service de Bakou depuis 1992.

Car nous sommes ici aussi, au-delà de l’évocation du génocide de 1915
et de cette actualité dramatique de 2015, pour célébrer la vie, la
fraternité et l’esprit de résistance. Cet esprit, qui vibre en nous à
la seule évocation de nos anciens, ces Francs-tireurs partisans du
groupe Manouchian, ces Juifs, ces Espagnols, ces Arméniens, ces
Italiens et ces Polonais qui ont donné leur vie pour les causes de la
liberté et de la France qui ne font en réalité qu’une. Cet esprit de
résistance qui est au coeur des valeurs de la république, et dont nous
avons vu la réminiscence historique le 11 janvier dernier dans tout le
pays. Un mouvement dont nous étions naturellement partie prenante, et
qui me fait dire aujourd’hui que notre plus grande gloire à tous,
n’est pas de ne jamais tomber, mais de nous relever, à chaque fois.
Ensembles et solidaires.

Discours de Mourad Papazian

Il y a 100 ans… 100 ans déjà ! Un siècle ! En 1915, le gouvernement
turc a lancé le plan d’extermination du peuple arménien. L’élimination
de tout un peuple d’un territoire. Les hommes, les femmes, les
enfants, les vieillards ont subi l’horreur, l’atrocité, l’inhumanité,
avec la mort comme perspective et la survivance comme le plus mince
des espoirs. Mais un espoir tout de même. La souffrance est absolue,
la douleur paroxysmique, le traumatisme omniprésent. Car si en 1915,
le gouvernement de Talaat, le Hitler turc, a défini et exécuté le
premier génocide du XXème siècle, en 2015, 100 ans après, un siècle
plus tard, le gouvernement d’Erdogan et Davutoghlu organise le
négationnisme du génocide arménien. Nous y sommes en 2015. Ce moment
que nous avons tous tant redouté. Ce moment qui, en soi, est un triste
moment. Ce moment de l’histoire qui nous porte vers le constat que les
gouvernements turcs successifs n’ont pas fait leur travail de mémoire.
100 ans ont passé ! 1 siècle ! Une éternité ! Sans que les autorités
turques, quelles qu’elles soient, aient exprimé le moindre signe vers
une reconnaissance du génocide commis en 1915, sous un régime
d’Empire. Pire, ils ont établi un mensonge d’Etat sur le génocide
arménien en écrivant l’histoire à l’inverse de la réalité. Pire, ils
célèbrent encore aujourd’hui la mémoire de Talaat, le Hitler turc,
puisque Istanbul a érigé un mausolée Talaat sur la colline de la
Liberté, puisque la plus grande artère d’Ankara est l’avenue Talaat,
puisque de nombreuse villes en Turquie ont des rues Talaat. Imaginer
aujourd’hui une rue Hitler relèverait de l’impossible ! De
l’impensable ! De l’inimaginable même ! En Turquie c’est hélas
possible ! Et aucune voix ne s’élève pour condamner cette inacceptable
réalité ! Pire, Comme l’écrit Taner Agcam, le gouvernement turc a
industrialisé le négationnisme du génocide arménien. Les communautés
turques, à travers le monde, et en France aussi, sont organisées,
politisées, financées. Des milices para-militaires sont présentes sur
le territoire.

Aujourd’hui, nous étions à Strasbourg à l’audience de la CEDH qui doit
statuer sur l’affaire Perinçek contre Suisse. Cette audience nous a
hélas convaincus que les autorités turques sont dans une attitude de
radicalisation. La radicalisation du mensonge, la radicalisation du
négationnisme, la radicalisation de leur posture anti-arménienne. Ce
matin à Strasbourg, le gouvernement français était, comme le CCAF,
tierce partie à côté de la Suisse dans l’affaire Perincek contre
Suisse. Un soutien réconfortant et qui confirme votre volonté,
Monsieur le Président, de pénaliser la négation du génocide arménien
par un projet de loi gouvernemental. Du jugement de la CEDH dépendra
l’avenir des lois pénalisant la négation du génocide arménien.

La Justice est au coeur du combat du peuple arménien depuis des décennies.

2015 doit être l’année de la vérité et de la justice. Le processus de
réconciliation doit se fonder sur celui des réparations. 2015 doit
être l’année des grandes voix. Les grandes voix doivent se manifester
clairement, puissamment, avec autorité. Comme Jaurès, que nous avons
célébré à Erevan en septembre dernier, qui s’était élevé à plusieurs
reprises à l’Assemblée nationale pour dénoncer les massacres des
Arméniens dans l’Empire ottoman, comme Mitterrand qui est le premier
chef d’Etat à avoir reconnu le génocide arménien en 1984, comme vous
Monsieur le Président, vous qui avez démontré votre attachement à la
cause arménienne à de multiples reprises, tant à l’Assemblée nationale
avec le lancement du processus de pénalisation de la négation du
génocide arménien, qu’en participant aux commémorations du génocide
arménien hier à Paris et demain à Erévan. Et enfin, sur votre
initiative, la présence de la France en soutien à la Suisse dans le
procès Perinçek est un engagement majeur que nous mesurons à sa juste
valeur. Espérons qu’il sera décisif.

Il faut savoir provoquer l’Histoire. Et le rêve que nous faisons tous
ensemble est celui d’écrire cette page de l’Histoire avec l’encre de
la réconciliation. La réconciliation n’est possible que si elle
s’adosse à la vérité, si elle s’appuie sur la Justice et si elle est
la conséquence d’un processus de réparations. Et le pardon est la
conséquence des réparations. Le pardon ne fait pas oublier le passé
mais il élargit le futur ! Avec Ghandi, nous pourrions rappeler que >

Alors oui, tout est encore possible. Et 2015 peut être l’année au
cours de laquelle le pardon peut devenir une perspective d’avenir pour
la Turquie, l’Arménie et la Nation arménienne à travers le monde. Et
vous êtes, Monsieur le Président de la République, parmi les rares
personnalités au monde qui puissent établir un pont entre nous et
accélérer, au cours de cette année 2015, le processus de
réconciliation sur la base du tryptique vérité-justice-réparations.

From: A. Papazian

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