AU LIT AVEC NOTRE ENNEMI : LA RUSSIE VEND DES ARMES A L’AZERBAIDJAN
Analyse
Par David Boyajian
La Russie a vendu ces dernières annees quelques 4 milliards de
dollars d’armement moderne a l’Azerbaïdjan, et ces ventes devraient
probablement continuer.
On y trouve des missiles S-300 de defense anti-aerienne, des
helicoptères de combat Mi-35M, des tanks T-90, des missiles antitank
Kornet, de l’artillerie motorisee MSTA-S de 152 mm, et le très
destructeur Système Multiple Lanceur de Roquettes Smerch.
Depuis la defaite de l’Azerbaïdjan dans la guerre du Karabagh, ses
leaders ont declare leur intention de s’emparer de l’Artsakh par la
force. Il y a regulièrement des tirs azeris a travers la ligne de
cessez-le-feu et des tentatives de franchissement. Ils ont exprime des
revendications territoriales sur l’Armenie et vont jusqu’a pilonner
des villages armeniens. L’Armenie et la Russie sont alliees et ont
un traite mutuel de defense. Les troupes russes participent a la
surveillance de la frontière de l’Armenie avec la Turquie. L’Armenie
est le seul allie de la Russie dans le Caucase. Pourquoi cette
fourniture d’armes sophistiquees a un pays qui n’est pas seulement
ennemi de l’Armenie mais de plus hostile aux interets russes ?
Ventes a l’Ennemi
Les ventes d’armes genèrent des profits immediats pour la Russie
outre des revenus reguliers en pièces de rechange et futures versions
nouvelles. L’armee russe peut aussi avancer l’argument qu’elle saurait
mieux, en cas de conflit avec l’Azerbaïdjan, contrer des armes qui sont
les siennes en propre. Peut-etre la Russie insère-t-elle secrètement
des vulnerabilites materielles et logicielles dans les armes azeries
pour les neutraliser le cas echeant ?
La Russie soutient que si la Russie ne vendait pas des armes a
l’Azerbaïdjan, d’autres pays le feraient. Et cependant Bakou a achete
des armes ailleurs : pour 1,6 milliards de dollars, Israël lui a fourni
des drones Hermes et des missiles antitanks Spike ; d’autres marches
importants ont ete passes avec la Belarus, la Turquie et l’Ukraine.
Ayant rendu l’Azerbaïdjan en partie dependant de l’armement russe,
Moscou se considère comme une option pour les Azeris, eloignant leurs
velleites d’adhesion a l’Otan, et de fournir l’Occident en gaz et en
petrole. Les Azeris sont-ils credules a ce point ? Bakou ne fait que
gagner du temps dans l’attente, avec la Turquie et l’Otan, du moment
où elle pourra envoyer, dans le bas-ventre fragile de la Russie, un
vigoureux coup de pied. La Russie vend-elle des armes a l’Azerbaïdjan
parce qu’elle est contrariee par les bonnes relations que l’Armenie
entretient avec les USA, l’Union Europeenne et l’Otan ? Probablement
pas. Le Russie a toujours trouve des facons radicales d’exprimer sa
mauvaise humeur, comme une hausse des tarifs de gaz naturel.
Mais, dit la Russie, il ne faut pas que l’Armenie s’inquiète, parce
qu’elle vend des armes defensives a Erevan, d’après ce qu’elle dit au
meilleur prix, qui neutralisent les armes offensives que Bakou achète.
Bien que les Armeniens soient pour l’instant en position de force en
Artsakh, des armes defensives sont-elles adaptees a celles, offensives,
de l’Azerbaïdjan ? Et l’Armenie dont l’economie est 13 a 20 % seulement
de celle de l’Azerbaïdjan, peut-elle les financer ?
Erevan ne peut payer au comptant, mais elle peut payer en usines,
infrastructures et biens immobiliers, en matières premières ou par
la dette. Cela augmente la mainmise deja considerable de la Russie
sur l’Armenie. Et notons qu’elle profite de la vente aux deux parties.
Les Trahisons Russes
Bien sûr la Russie ne veut pas que l’Azerbaïdjan (ou la Turquie)
envahisse l’Armenie. Cela creerait un corridor pan- turc depuis la
Turquie jusqu’en Azerbaïdjan. Les USA et l’Otan l’emploieraient pour
dominer le Caucase, la Mer Caspienne et probablement l’Asie Centrale
turcophone.
Le cas de l’Artsakh est different. Il n’a aucun accord militaire avec
la Russie. Il est sûr que Moscou ne se soucierait pas d’une invasion de
l’Artsakh parce qu’en soi, cela ne creerait pas de corridor pan- turc.
La Russie pourrait meme vouloir une nouvelle guerre d’Artsakh qui
reduirait a neant les infrastructures energetiques de l’Azerbaïdjan
et detruirait gazoducs et oleoducs installes juste au nord de la
frontière de l’Artsakh. Ou selon ce que Bakou pourrait offrir a
Moscou en echange, la Russie pourrait meme aider l’Azerbaïdjan a
defaire l’Artsakh.
Après tout, la Russie Sovietique des lendemains de la Première Guerre
Mondiale, avait donne l’Artsakh et le Nakhitchevan a l’Azerbaïdjan,
cede des terres armeniennes a la Turquie, et fourni des armes aux
forces turques de Kemal Ataturk.
La Turquie s’etait par la suite dressee contre la Russie et avait
finalement rejoint l’Otan, tandis que les Azeris restaient hostiles
envers Moscou. Azeris et Turcs se sont joues des Russes.
Quelques Armeniens disent que les Bolcheviques juifs, contrairement aux
nationalistes orthodoxes russes, qui pense-t-on contrôlent aujourd’hui
la Russie, etaient responsables de ces desastres pour l’essentiel.
Quoiqu’il en soit, les ventes d’armes a l’Azerbaïdjan et les contrats
massifs de gaz naturel avec la Turquie rappellent aux Armeniens les
trahisons russes passees.
La Securite de l’Armenie et de l’Artsakh
On comprend que pour faire obstacle a d’autres trahisons russes,
et pour des raisons economiques, scientifiques, pedagogiques et
religieuses et culturelles, l’Armenie maintienne des relations amicales
avec les USA et l’Europe.
L’Armenie ne peut pas, cependant, compter sur les USA et l’Otan pour
sa securite militaire. L’Otan voit la Turquie pas seulement plus
pesante que l’Armenie, mais aussi comme le cheval a enfourcher pour
galoper dans le Caucase, dans la region caspienne et ailleurs.
L’Armenie, par consequent, s’allie avec la Russie. Sans l’Armenie,
bien sûr, la Russie perdra le Caucase et ben plus au profit de l’Otan.
Comme Moscou aspire un jour ou l’autre a diriger les pays eurasiens,
elle essaie, en vain, il n’y a pas de doutes, d’inflechir les tendances
prooccidentales de la Turquie et l’Azerbaïdjan. N’y parvenant pas,
la Russie espère que de telles relations rapporteront, a plus ou
moins court terme, certains gains economiques et politiques.
Dans son propre interet, la Russie devrait reetudier ses faux-pas
politiques envers les turcs.
L’Armenie et la Russie resteront probablement dans un cycle de mefiance
et de besoin mutuel et de suspicion quelques temps encore.
L’Armenie et l’Artsakh etant confrontes au futur, cependant, un regard
approfondi sur la strategie et les intentions russes est essentiel.
David Boyajian est un journaliste independant Armenien americain.
Beaucoup de ses articles sont archives a Armeniapedia.org
Traduction Gilbert Beguian pour Armenews
mardi 24 fevrier 2015, Jean Eckian (c)armenews.com