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Apprenons et prenons des leçons…

REVUE DE PRESSE
Apprenons et prenons des leçons…
Nadine Garabédian, PhD Présidente Machrou’Watan

Je ne peux pas comprendre ni même concevoir que nous Libanais de la
diaspora n’avons rien compris à l’utilité de la solidarité humaine,
voire à la solidarité tout court. Si nous devions comparer deux
communautés numériquement importantes, qui me touchent
particulièrement, puisque j’en suis issue, je soulignerai l’importance
de la communauté libanaise > face à la communauté
arménienne >, 12 millions face à 6 ou 7 millions… Deux
communautés dont les histoires sociopolitiques sont bien différentes,
mais dont l’essence même est celle de la préservation et la
conservation des valeurs, de la culture, de la langue et de la nation
et ce, au travers des réseaux transnationaux qui transcendent le vécu
quotidien et qui, au gré des circonstances, pourront transformer la
nation en soi.

Presque 6 millions d’Arméniens vivent de nos jours en diaspora. À
l’image des autres peuples, les Arméniens sont attachés à leur terre
et l’exil engendre un nationalisme exacerbé. Loin de conduire au refus
d’intégration dans le pays d’accueil, ce phénomène suscite en retour
le besoin de défendre > terre. Ce sentiment de défense
territoriale redonne à l’identité une vitalité nouvelle et estompe les
rivalités politiques intercommunautaires qui prirent forme au XIXe
siècle.

Le mythe idéologique d’un État-nation arménien, construit et perpétué
par la logique de la diaspora, constitue à lui seul l’élément
déterminant de la lutte sociopolitique des communautés dans les pays
hôtes. Il contribue à renforcer le ciment identitaire face à des
politiques intégrationnistes qui mettent en péril la construction de
cet État-nation. Toute production idéologique étant systématiquement
articulée autour d’une interprétation de la société d’accueil,
l’Arménie mythique est construite à partir du modèle sociopolitique de
ces sociétés. Le déracinement semble être la source d’une
communautarisation autour d’une idéologie qui, transcendant les
différences des pays d’accueil, se fonde sur l’histoire commune pour
reformuler l’identité dans un ensemble culturel qui dépasse l’arménité
; par ensemble culturel, nous entendons les cultures originelles des
différentes communautés. L’idéologie, façonnée, ravive la mémoire
collective et renforce le système d’appartenance à une même nation
historique qui conduira à l’idéologisation de son État-nation.

À la différence de la communauté arménienne de la diaspora, où toute
la dynamique transnationale est portée vers la terre des ancêtres, la
communauté libanaise constituée de presque 12 millions d’individus
répartis dans le monde, quant à elle, est composée d’une infinité
d’individualités et d’idéologies, dont le développement est perçu non
comme une finalité, mais plutôt comme une étape vers une
sédentarisation permanente.

Par ailleurs, plus les Libanais de la diaspora seront privés de leur
solidarité collective et de leur autodétermination à la création de
liens transnationaux, plus le désir de retour en terre libanaise
deviendra difficile et aléatoire. La reproduction des légitimités et
des conflits communautaires libanais qui sont mis en exergue dans les
pays d’accueil, en particulier dans le pays des droits de l’homme et
du citoyen cristallisent les particularismes, et la légitimité de
chacun sera remise en cause et mettra en danger l’unité de la
diaspora. Les Libanais se perçoivent comme une collectivité
constamment à la recherche d’un enracinement permanent et à la
recherche d’une reconnaissance individuelle permanente qui va au-delà
de la logique propre à la diaspora.

Cette logique de la diaspora, propre aux Arméniens, s’est imposée
d’elle-même comme une stratégie rationnelle. De plus, l’invariabilité
de ce processus d’adaptation constitue un moyen de poursuivre la
logique obsessionnelle. Les bases de cette logique sont devenues avec
le temps une alternative qui a permis aux attentes des Arméniens, où
qu’ils se trouvent, d’être satisfaites. L’entité arménienne que
constitue la diaspora s’est engagée dans un processus d’aliénation de
sa nature propre, comme une étape temporaire de la réalité arménienne.
Par opposition, le > n’est plus perçu comme une logique ou
une mentalité, mais comme un idéal face aux problèmes immédiats,
complémentaires de cette même logique. Où que ces communautés soient
établies et quelle que soit leur provenance, le mot d’ordre de la
diaspora est suivi à la lettre.

Ainsi, lors du séisme qui a frappé l’Arménie en 1986, la diaspora
s’est mobilisée et a permis à l’ex-Arménie soviétique de panser ses
blessures. Les communautés agissent en tant que partie fragmentée dans
les pays d’accueil et en tant qu’agrégat au sein de la communauté. Par
ailleurs, si cette fragmentation ou cet agrégat sont perçus comme une
évidence des phénomènes transétatique et transnationale, on peut
facilement affirmer qu’un degré d’autonomie accompagne les parties
divisées ou réunies. Le degré d’autonomie devient, dès lors, un
facteur déterminant du rôle et de l’influence élaborés par les entités
non étatiques.

Absente chez la communauté libanaise, cette logique est plutôt
communément appelée >. Elle se résume à
compenser par des attitudes individualistes et parfaitement égoïstes,
un manque de référence patriotique et nationale, à affirmer entre les
différentes composantes de la société des identités irrationnelles
basées sur des discours sociopolitiques manipulateurs qui engendrent
comparaisons sociales et individuelles renforçant ainsi la
compétitivité inter et intra communautaire. Ainsi, devenir leader
social, culturel ou autre, sans aucune référence à la >,
laquelle n’existe en réalité que dans l’imaginaire individuel, devient
le critère de loin le plus important pour affirmer son identité et son
appartenance à cette nation. La diaspora libanaise de France, au lieu
de former une entité unique et soudée qui puisse transcender ses
conflits internes, alimente les dissensions en son sein et ravive les
identités individuelles.

Étant donné l’hétérogénéité ethnico-religieuse de la diaspora
libanaise, cette dernière n’arrive pas encore à tisser un lien
communautaire authentique qui transcende les dissensions et qui
autorise une solidarité communautaire basée sur des critères
nationalistes et impliquant une dévotion sans limites au pays. Ce lien
transnational, existant chez les communautés arméniennes et juives, et
qui renforce l’adhésion totale aux valeurs identitaires auprès de ses
membres, est absent ou inexistant, et ce, précisément parce que la
maturité identitaire > n’existe pas et ne pourra
réapparaître tant que les individualismes et les intérêts personnels
n’ont pas été mis de côté, aux dépens de la nation dans sa globalité.
Ces communautarismes, qui ont évolué dans une société basée sur le
féodalisme et le clientélisme, finissent par enrayer l’appartenance au
groupe et tentent d’implémenter un système qui soit identique à celui
du pays natal. Ainsi, la reproduction d’un même cas de figure ici, en
France, pousse les membres de la communauté libanaise à refuser toute
forme de solidarité communautaire, et essayent au travers de la
réussite individuelle de se frayer un chemin dans le pays d’accueil.

La diaspora arménienne, quant à elle, en établissant un lien entre les
membres de son groupe, prétend modifier l’organisation en mettant en
exergue des réseaux parallèles qui l’autorisent à se gérer dans sa
globalité. Elle fait en sorte d’appréhender et de cadrer les
situations de manière qu’elle puisse, le cas échéant, intervenir dans
les décisions. Ce qui ne sera jamais à l’initiative de la diaspora
libanaise.

samedi 14 mars 2015,
Stéphane (c)armenews.com

http://www.lorientlejour.com/article/915197/apprenons-et-prenons-des-lecons.html
nina hovnanian:
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