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La Question Armenienne Et L’alliance Turco-Allemande (1913-1914)

LA QUESTION ARMENIENNE ET L’ALLIANCE TURCO-ALLEMANDE (1913-1914)

Orient XXI
12 mars 2015

Orient XXI > L’Orient en guerre (1914-1918) >
Thomas Schmutz > 12 mars 2015

Cet article examine le rôle que Berlin a joue dans les reformes
proposees en Anatolie orientale en 1913 et 1914, et notamment pour
resoudre le problème armenien. Il eclaire d’un jour nouveau le degre
d’implication de l’Allemagne dans l’empire ottoman d’avant-guerre.

L’Allemagne etait nouvelle venue dans l’histoire mondiale du
colonialisme et de l’imperialisme. La celèbre quete d’une place au
soleil — > — ne debuta pas avant la fin des
annees 1890, alors qu’il ne restait quasiment plus un seul espace
vide sur la carte du monde et que les sphères d’influence des grandes
puissances avaient pratiquement divise chaque centimètre carre de
l’espace connu de la planète. Comme il devenait difficile de trouver
de l’espace libre, la strategie consista a combattre des pays plus
faibles et a prendre leur place. L’antagonisme avec son voisin la
France et son hemisphère colonial fut une obsession durable dans
la pensee geostrategique allemande. La relation avec la Russie
s’envenima sous le règne Guillaume II (1888-1918). L’Angleterre
etait un partenaire souhaitable mais l’Allemagne n’etait pas prete
a ne faire figure que d’associe mineur. Une question de prestige,
doublee de la volonte de jouer dans la cour des grands, fut pour
l’Allemagne le motif principal de son implication en Orient.

Les premiers pas furent faits sous la conduite du chancelier Otto von
Bismarck (chancelier du nouvel empire allemand de 1871 a 1890) et du
sultan Abdul Hamid (1842-1918). En 1880, le sultan reclama l’envoi
de fonctionnaires allemands pour l’administration, les finances et
l’armee. L’engagement debuta par une affaire civile, car au depart
aucun officier allemand n’avait ete envoye. L’Allemagne ne s’etait pas
opposee au sultan durant la crise autour de la Crète et les massacres
armeniens de 1895-1896.

En 1898, Guillaume II se rendit lui-meme en Orient, acte d’une portee
symbolique forte. L’empereur approuva le projet de prestige du chemin
de fer de Bagdad, dont la construction prendra plusieurs annees. Les
banques allemandes et l’industrie d’armement — telle que Krupp —
renforcèrent leurs liens avec la Sublime Porte et l’Anatolie sous Abdul
Hamid II. La revolution des Jeunes-Turcs eut pour effet de consolider
leur amitie, (ainsi que les tensions dans les Balkans). De nombreux
officiers chez les Jeunes-Turcs connaissaient le système militaire
allemand en raison du programme d’echange existant entre les deux
armees. Des conseillers militaires allemands essayèrent de reformer
l’armee, et Colmar von der Goltz tout particulièrement s’attira une
grande admiration pour sa participation. Mais tous les Jeunes-Turcs
ne virent pas d’un bon oeil l’influence allemande croissante ;
certains etaient davantage tournes vers Paris ou Londres. Ceci eut
son importance pour la recherche d’un allie au cours de la periode
cruciale de la crise de juillet 1914. Des diplomates allemands, tels
que l’ambassadeur Hans Freiherr von Wangenheim etaient consideres
comme amis des Turcs. Les moyens dont disposait l’Allemagne etaient
des navires de guerre, des officiers, et des voies ferrees.

L’Angleterre, la France et la Russie les observaient avec mefiance.

Parfois Vienne et Rome prenaient la defense de la position allemande,
etant donne que grâce a la Dreibund, la Triple-Entente (ou Triple
Alliance), elles avaient forme un contrepoids a l’Entente cordiale.

L’Allemagne voulait avoir sa place parmi les acteurs importants
en Orient.

Des reformes pour les provinces orientales d’Anatolie

Les guerres balkaniques (1912-1913) et leurs consequences revelèrent
la faiblesse de l’empire ottoman. Le temps etait compte pour la
plupart des puissances europeennes, qui n’etaient pas encore pretes a
poursuivre leurs reves imperiaux au Proche-Orient. La Russie voulait
>1 mais n’etait pas prete a entrer en guerre avant
1917 en raison de calculs internes. Malgre tout, le discours russe
en 1912 et 1913 etait plutôt belliqueux. Sa strategie consistait
a saper la stabilite ottomane et a etendre son influence sur le
territoire au-dela de leur frontière commune. Une facon d’y parvenir
etait d’armer et de radicaliser a la fois les Kurdes et les Armeniens
contre le gouvernement central.

Dans ces circonstances, une autre discussion sur les reformes debuta.

En 1895 la Russie bloqua la possibilite d’une intervention en faveur
des Armeniens ottomans et en 1908, la Russie etait le principal
oppresseur du mouvement revolutionnaire armenien. Seules les guerres
balkaniques modifièrent la strategie, et la condition armenienne amena
la Russie a exiger des reformes dans les six provinces orientales
sous la menace d’une intervention militaire. En juin 1913, la Russie
proposa un projet d’accord en vue d’ameliorer le statut des Armeniens
par le biais d’une representation dans les organes administratifs et
judiciaires qui leur garantirait l’egalite.

Les diplomates allemands connaissaient les souhaits russes de nouvelles
reformes en Anatolie orientale, et leur strategie au printemps
1913 etait d’empecher qu’une region ne passe sous domination russe a
l’interieur de l’empire ottoman et d’empecher la partition de l’Empire,
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