Centenaire Du Genocide Armenien : Tisser Des Liens Dans Les Relation

CENTENAIRE DU GENOCIDE ARMENIEN : TISSER DES LIENS DANS LES RELATIONS TURCO – ARMENIENNES

EPRS | Service de recherche du Parlement europeen

Centenaire du genocide armenien : tisser des liens dans les relations
turco-armeniennes

Chaque 24 avril a lieu une journee de commemoration du genocide
armenien. Le deplacement force des Armeniens ottomans en 1915, il
y a un siècle, demeure l’un des aspects les plus importants et les
plus controverses des relations turco-armeniennes. Des centaines
de milliers d’Armeniens ont ete deportes dans des conditions
extremement rudes. Nombre d ‘entre eux n’ont pas survecus, et les
causes sous-jacentes de ce lourd bilan font aujourd’hui encore l’objet
d’une intense controverse. Cent ans plus tard, comment les deux pays
peuvent-ils etablir une communication, une cooperation et une confiance
mutuel le effectives ? Armenie et Turquie : un destin croise Toutes
les nations ont connu des jours glorieux et des jours noirs au cours
de leur histoire , qui faconnent leur identite. Les Armeniens et les
Turcs ont un destin croise , ne de leurs amères experiences de la
Première Guerre mondiale, dont ils ont tous deux grandement souffert.

Des millions de personnes de toutes les religions et de toutes les
ethnies ont perdu la vie dans cette guerre . L’une des plus vieilles
controverses dans la politique europeenne actuelle et en droit
international re ste la question du ” genocide armenien “. Du point de
vue des Armeniens, les preuves historique s du genocide sont gravees
dans le marbre. Les Turcs, quant a eux, contestent farouchement le
terme “genocide”. Bien qu’ils admettent que des crimes ont ete commis
lors des deportations massives de la population armenienne hors du
territoire turc en 1915 et 1916, ils affirment que les souffrances
infligees aux Armeniens etaient des actes de guerre contre une natio
n qui avait manque de loyaute envers l’ Empire ottoman , auquel elle
appartenait, en se ralliant a l’ennemi durant la Première Guerre
mondiale. Il y a exactement un siècle , en mars 1915, les flottes
britannique et francaise, aux côtes du corps d’armee australien et
neo-zelandais (ANZAC), tentèrent de franchir le detroit turc des
Dardanelles , afin d’attaquer Istanbul et d’ouvrir un nouveau front
dans la Première Guerre mondiale, lors de la campagne de Gallipoli (
Canakkale ). Parallèlement, le gouvernement ottoman avait entrepris de
deplacer sa population armenienne des regions orientales de l’Empire
voisines de son ennemi jure, la Russie. Dans le chaos de la guerre
, les Ottomans craignaient que la Russie ne pousse le “millet”
des Armeniens chretiens a la revolte et ne fragmente ainsi l’Empire
ottoman tandis que ses troupes affrontaient les allies de la Russie,
les Britanniques et les Francais. Le deplacement force des Armeniens
fut marque par des actes de violence et de dep redation. Aujourd’hui,
les Armeniens, rejoints par la plupart des historiens, affirment que
1,5 million de leurs ancetres furent deliberement et systematiquement
massacres dans le premier g enocide du monde moderne. Il n’existe
aucun chiffre precis et irrefutable attestant du nombre de victimes,
mais l’ampleur de la catastrophe paraît incontestable. 24 avril 1915
Le 24 avril 1915, le ministre de l’interieur Mehmed Talaat signa le
mandat d’arret de 250 intellectuels, personnalites culturelles et
hommes d’affaires d’origine ar menienne a Constantinople, qui furent
emmenes en centres de detention. Des centaines d’autres subirent
le meme sort. Quelques semaines plus tard, Talaat promulgua la
loi Tehcir , prevoyant l’expulsion de la population armenienne de
l’Empire. Les Armeniens furent chasses et expropries. Les soldats
ottomans massacrèrent des villages entiers, enterrant leurs habitants
dans des fosses communes. Certains Armeniens furent envoyes dans des
camps de concentration. En 1919, plus d’un million d’Armeniens avaient
ete tues. Dans un premier temps, l’Empire ottoman, vaincu, reconnut les
massacres des Armenie ns et jugea certains responsables, en Turquie
et, par la suite, a Malte . Cependant, quand Ataturk renversa le
regime ottoman et fonda la Turquie moderne en 1923, les attitudes
commencèrent a changer . Le procès de Malte et le vide juridique.

En 1919, plus de cent Turcs furent expulses a Malte par les
Britanniques pour y etre juges pour crimes de guerre, en ce compris
les crimes commis a l’encontre de la population armenienne. Le manque
de preuves concrètes, et l’absence d’un cadre juridique approprie,
avec une juridiction supranationale, se solda par le rapatriement et
la liberation des detenus turcs, en echange de vingt-deux prisonniers
britanniques detenus par Mustafa Kemal (Ataturk). Au lendemain de la
Première Guerre mondiale, les normes internationales relatives aux
crimes de guerre etaient limitees. Le juge Giovanni Bonello ecrit
dans son ouvrage Histories of Malta qu’une “serie de coïncidences
orchestrees” empecha le procès de Malte de jouer, a l’issue de la
Première Guerre mondiale, un rôle similaire a celui du procès de
Nuremberg après la Deuxième Guerre mondiale.

L’echec du procès de Malte laissa en suspens la controverse sur le
genocide armenien. En 1919, le vide juridique etait immense. Les
tribunaux militaires britanniques etaient seulement competents pour
juger trois types de delits (violation des termes de l’armistice,
obstacle a leur mise en application et mauvais traitement des
prisonniers de guerre britanniques), mais uniquement dans les
territoires occupes, et non a Malte. Tous les autres delits, y compris
les crimes perpetres contre la population armenienne, ” menacaient
de creer un desert juridique ; dès lors, il etait plus souhaitable
qu’un futur traite de paix statue sur ceux-ci”.

La conference de paix de Paris crea une “commission des responsabilites
des auteurs de la guerre et sanctions” . Les travaux de la
commission aboutirent a l’article 230 du traite de Sèvres qui
obligeait l’Empire ottoman a livrer aux puissances alliees toutes
les personnes soupconnees d’avoir commis des massacres pendant la
guerre, a reconnaître le droit des Allies a “designer” les tribunaux
competents pour juger les accuses et a fournir tous les documents
et renseignements necessaires pour apporter la preuve des faits
incrimines afin de veiller a ce que les accuses fassent l’objet de
poursuites. Malheureusement, cette base juridique, une première dans
son genre, etait trop vague. Le procès de Malte aurait pu revolutionner
le principe fondamental de la legalite des delits et des peines . Le
traite de Sèvres fut ensuite remplace par le traite de Lausanne ,
qui fixe les frontières de la Turquie moderne.

La definition juridique du terme “genocide” n’apparut que bien plus
tard, en 194 8, dans la Convention pour la prevention et la repression
du crime de genocide, et a depuis ete integree dans le statut de Rome
de la Cour penale internationale .

Avancees mineures, mais neanmoins substantielles

Le 24 avril 2015, des ceremonies de commemoration du centenaire de
ces atrocites seront organisees a Erevan et aux quatre coins du globe.

Dans le monde d’aujourd’hui, les rivalites tirees du passe et
la creation de nouveaux antagonismes ne sont pas propice s a la
construction d’un avenir commun qui pourrait apporter des avantages
mutuels. Celui-ci necessite un dialogue clair et une comprehension
mutuelle, qui permettent de tourner la page de cet evenement tragique,
de manière equitable. Au cours des dix dernières annees, la position
officielle de la Turquie s’est assouplie. En avril 2014, l’ancien
Premier ministre et president actuel de la Turquie, Recep Tayyip
Erdogan , a reconnu l’importance du 24 avril pour les Armeniens . Il
a qualifie les evenements historiques d'”inhumains” et a presente
ses condoleances aux petits-enfants de ceux qui ont perdu la vie dans
ces circonstances. Bien que dans sa declaration, M. Erdogan n’ait ni
presente ses excuses, ni reconnu le genocide en tant que tel, l’annonce
marque un changement radical dans le discours de la Turquie et dans
sa manière d’apprehender les evenements de 1915. La reconciliation
est confrontee a d’immenses defis et retentit tant sur l’identite
que sur l’histoire. Differentes actions de la societe civile turque
seront egalement organisees a l’occasion des commemorations de Erevan,
dans l’esprit prône par Hrant Dink , journaliste d’origine armenienne
assassine. C’etait egalement l’orientation qui etait generalement
privilegiee par les deux gouvernements avant qu’ils ne s’engagent
dans les discussions sur les protocoles de 2009 . Parmi les solutions
evoquees , le gouvernement turc pourrait decider, de son plein gre,
d’ouvrir sa frontière avec l’Armenie ; cela s’apparenterait a la
decision des autorites chypriotes turques, en avril 2003, de lever
les restrictions qui pesaient depuis longtemps sur le passage vers la
partie chypriote grecque, ce qui a contribue a apaiser les tensions
. Un geste similaire de la Turquie envers l’Armenie aurait un effet
semblable sur leurs relations, dès que les deux pays se seront occupes
de leurs propres commemorations de 1915.

La position du Parlement europeen La resolution du Parlement europeen
de 1987 “sur une solution politique de la question armenienne” n’a pas
encore conduit le gouvernement turc a reconnaître la realite historique
du genocide de 1915. Dans ses vingt resolutions relatives aux relations
entre l’Union et la Turquie, en ce compris le rapport annuel sur les
progrès accomplis par la Turquie en vue de son adhesion a l’Union
europeenne, le Parlement europeen a systematiquement reitere cette
demande au gouvernement turc. Par ailleurs, la Turquie a toujours
ete encouragee a signer le statut de la CPI, comme elle s’y est
d’ailleurs declaree disposee en 2004 . Cet appel apparaît a nouveau
dans la resolution du Parlement europeen du 12 mars 2015 concernant
son rapport annuel sur les droits de l’homme. Le 17 mars 2015, l’
Assemblee parlementaire Euronest a adopte une resolution sur le
centenaire du genocide armenien, invitant la Turquie a “accepter
son passe”, soul ignant que le deni du genocide represente l’etape
finale du genocide et que “l’absence de condamnation sans equivoque
et rapide du genocide armenien a largement contribue a l’echec de la
prevention de crimes ulterieurs contre l’humanite”

mercredi 15 avril 2015, Stephane (c)armenews.com

From: A. Papazian

http://www.armenews.com/article.php3?id_article=110297