Musique: Tigran MANSURIAN (né en 1939)***

 Classica, France
Juin 2017


Tigran MANSURIAN (né en 1939)***

par  Sarah Léon



RequiemAnja Petersen (soprano), Andrew Redmond (baryton), Choeur de
chambre du RIAS, Orchestre de chambre de Münich, dir. Alexander
Liebreich ECM New Series 481 4101. 2017. 45' Nouveauté 1re

Depuis le War Requiemde Britten jusqu'à la Symphonie n° 3 de Górecki
en passant par le Thrène à la mémoire des victimes d'Hiroshima de
Penderecki, la composition de pièces funèbres commémorant les
événements tragiques du XXe siècle semble être devenu un genre à part
entière. C'est dans cette récente tradition que s'inscrit Tigran
Mansurian avec son Requiem dédié à la mémoire des victimes du génocide
arménien. Si le compositeur a choisi de conserver les textes latins,
il explique aussi s'être détourné volontairement de toute la tradition
rhétorique et théâtrale liée au genre de la « messe des morts » dans
la musique occidentale, pour retourner aux sources de la liturgie
arménienne - tant du point de vue de l' inspiration musicale que de la
conception religieuse qui la sous-tend.

Le résultat est une oeuvre austère, tour à tour dépouillée et
tourmentée, chant de déploration plus que de révolte : les tempos sont
majoritairement lents, le rythme égal, et seules quelques
interventions véhémentes de l'orchestre à cordes, quelques sursauts du
choeur lors des passages les plus tragiques (« Dies Irae », fin du «
Tuba mirum ») viennent rompre ce recueillement. Ça et là, les
anciennes liturgies orthodoxes se rappellent à l'auditeur : monodie
des solistes, mélismes, chant responsorial impriment leur marque à
l'ensemble de l'oeuvre, sans jamais tomber dans l'archaïsme ou le
pastiche. Le choeur est le plus souvent traité de façon homorythmique,
comme un seul bloc, voire à l'unisson dans les passages les plus
épurés, tandis que l'orchestre se fait discret durant de longues
plages chorales pour laisser la résonance des voix se déployer. Point
de place ici pour la séduction sonore ou l'épanchement lyrique :
l'émotion naît tout entière de la retenue et de l'extrême
concentration des moyens mis en oeuvre.