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Tigran Hamasyan le maître d’Arménie

Est Républicain, France
14 oct 2017

Tigran Hamasyan le maître d’Arménie

iI porte un étrange pantalon-tablier gris foncé, couleur muraille. Ses yeux sombres semblent vouloir dire, ne regarde pas le bonhomme, ne t’intéresse qu’à sa musique. Et quand il s’assied, il tourne d’abord le dos pour programmer, sur un clavier, une introduction d’une totale étrangeté, légèrement planante. Mais ça ne dure pas. Il prend sa place devant le piano à queue en commençant par une variation étourdissante, en vrillant une seule et simple note, qu’il enlumine et festonne, comme le derviche virant autour de son centre. Maestria impressionnante, rythme impitoyable qui rappelle les cadences de Bach. Parfois, il lui arrive de chanter, d’une voix haut perchée, sans doute du côté du mont Ararat. Il dit aussi trois mots : « Je suis très content d’être là. C’est un magnifique festival ! » Et vous, un magnifique pianiste ! Sa première grande pièce s’appelait « La cave de la Renaissance ». Il fait partie de ces artistes qui font renaître la musique, pas seulement le jazz, et qui l’écoutent sourdre de leurs profondeurs. Il suffit d’ailleurs de le voir jouer. Sous un certain angle, il donne l’impression d’entrer à l’intérieur de son piano, au cœur de l’alchimie du son. Et si l’on change la perspective, la tête s’incline, jusqu’à effleurer les touches, comme s’il voulait écouter monter le premier souffle de la mélodie. On est avec lui, surpris par cet étrange médium, qui sur un fond d’étoiles scintillantes (il est bien joli, ce rideau de fond de scène), chuchote des confidences. Eh bien, ça ne dure pas. Dans son pays, les orages sont violents et soudains. Maître de l’harmonie et des mélodies, parfois subtiles et drolatiques comme du Satie, il déchaîne plusieurs rythmes en même temps, comme Eole les vents. Une très longue composition, presque une symphonie finit ce concert époustouflant. Tigran le clôt avec douceur en déposant du bout des touches une alouette, une gentille alouette sur son clavier, avant de nous quitter.

Guillaume MAZEAUD


Emil Lazarian: “I should like to see any power of the world destroy this race, this small tribe of unimportant people, whose wars have all been fought and lost, whose structures have crumbled, literature is unread, music is unheard, and prayers are no more answered. Go ahead, destroy Armenia . See if you can do it. Send them into the desert without bread or water. Burn their homes and churches. Then see if they will not laugh, sing and pray again. For when two of them meet anywhere in the world, see if they will not create a New Armenia.” - WS
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