Le 24 novembre 2017, l’Arménie et l’Union européenne ont signé un Accord Global de Partenariat Renforcé (Comprehensive and Enhanced Partnership Agreement, CEPA) qui remplace, mais pas totalement, l’Accord d’Association que le président arménien Serge Sargsian avait refusé de signer en mars 2013 après une rencontre avec le président russe Vladimir Poutine. Une chance pour l’Arménie, le refus de signature de cet accord, identique à celui que le président ukrainien Viktor Ianoukovitch avait rejeté en novembre 2013, n’avait pas conduit à l’élévation de barricades et à l’apparition de manifestations truquées servant de paravent commode à un coup d’Etat rondement mené.
Selon Armen Grigoryan qui a brièvement commenté les grandes lignes de cet accord sur le site The Central Asia-Caucasus Analyst, l’Accord Global pour un Partenariat Renforcé a pour objectif de mettre en place des réformes afin de favoriser l’investissement dans le pays. Il a aussi pour objectif d’augmenter la sécurité des produits afin d’assurer la protection des consommateurs. Rien, manifestement, concernant la protection des salariés. Le jargon pitoyable de la bonne gouvernance à l’occidentale qui ne voit partout qu’investisseurs et consommateurs a le mérite de révéler les zones d’ombre de sa pensée et de montrer une fois de plus qu’elle ne cherche en aucun cas à faire société.
L’Arménie étant, depuis janvier 2015, un membre de l’Union Économique Eurasiatique, cet accord montre qu’aucun front n’a été oublié par les forces financières qui nous gouvernent dans leur programme d’invasion des territoires de l’ex URSS avec lesquels la Russie cherche à entretenir des liens qui la sécurisent. Les médias russes ne s’y sont pas trompés qui ont lancé une campagne anti-arménienne depuis la signature de cet accord pourtant précédé par la visite à Erevan de Vladimir Poutine (le 15 novembre 2017) et du chef de la diplomatie russe Sergeï Lavrov (le 20 novembre). En vain.
Sachant que le cash et les promesses de la corruption composent l’huile « 2 temps » qui permet de faire tourner les rouages de la politique, et compte-tenu du fait que la CIA elle-même a souligné l’inefficacité des mesures anti-corruption prises dans le pays, on aura du mal à croire que les dirigeants arméniens ont choisi l’Union Européenne uniquement pour favoriser un investissement qui promet de protéger un consommateur sans visage et sans nationalité. Et comme le souligne Armen Grigoryan, cet accord permettra déjà la mise en place d’une collaboration dans le domaine de la sécurité nucléaire ainsi que l’ouverture du territoire aux compagnies aériennes low cost.
Mais les secteurs d’activité permettant d’attirer l’investissement sont multiples dans ce petit pays encore dépendant de la Russie pour sa survie économique et dans lequel la plupart des structures clefs dont détenues par des Russes. En Arménie, les limiers toujours inassouvis de la finance européenne et anglosaxonne pourront s’engouffrer comme dans un terrain de chasse et laisser derrière eux quelques hécatombes – en langage scientifique on parle d’ « optimiser les profits » -, après avoir mis en place les « réformes nécessaires » à l’exploitation sans vergogne des travailleurs au nom d’une efficacité qui ne sert que les happy few, après avoir livré l’agriculture aux géants de l’agrobusiness et après avoir fait croître la dette du pays pour mieux le ligoter dans la camisole des accords et des traités inventés par ceux qui ont fait de leur enrichissement personnel la seule interprétation autorisée des concepts de liberté et de progrès.
Notons, par précaution, que la dette de l’Arménie était estimée à 8987 milliards de dollars en décembre 2016. Donnons-nous rendez-vous dans quelques années pour voir comment elle aura évolué sous l’aile protectrice de la Banque Mondiale (qui « consent » des prêts) et de « nos » multinationales à qui les montants de ces prêts sont toujours destinés – les intérêts étant laissés aux habitants du pays – puisqu’elles assurent des travaux permettant la modernisation du pays et bien entendu la protection de l’immense troupeau bêlant des consommateurs sans visage et sans nationalité.