Un apéro avec André Manoukian : « J’ai découvert que l’Arménie pouvait m’apporter autre chose que des névroses »

Le Monde, France
30 mars 2018

Chaque semaine, « L’Epoque » paie son coup. Le musicien évoque, entre deux chips, ses origines, Deleuze, l’amour, et son utilisation de la métaphore.

LE MONDE | 30.03.2018 à 14h18 • Mis à jour le 01.04.2018 à 06h41 | Propos recueillis par Yoanna Sultan-R'bibo

                 
André Manoukian au café Le Croco du Marais à Paris, le 15 mars. | ROBERTO FRANKENBERG POUR « LE MONDE »

Promis juré : « Etre journaliste, pas groupie du pianiste. » Première mise à l’épreuve le matin de l’apéro, par textos interposés : « M. Manoukian, bruit de perceuse au Café Crème, on s’installe en face, au Croco. » « Non, non, venez chez moi, ce sera plus cool. Et puis il y a mon piano. » « O.K. ! » On avait dit pas groupie ! Le photographe douche mon enthousiasme : « La rubrique s’appelle “Un apéro avec”, il me faut un décor de café ! »

Cheveux décoiffés, sourire charmeur, André Manoukian descend de chez lui. « Je vais toujours au café d’en face, mais c’est sympa ici. J’ai découvert ce coin du 3e arrondissement en déjeunant avec des journalistes de Libé. » Il sirote son jus de tomate comme s’il fumait la pipe, se prête avec naturel à la séance photo. « Ça va, ma coupe ? » Derrière mon Perrier, je crève d’envie de lui dire que j’ai tous ses disques, de lui parler de ce concert génial à Lyon, en 2006, d’enchaîner sur sa liaison avec Liane Foly. On avait dit « journaliste Le Monde ». « Parlez-moi de l’Arménie. »

Jazz et sonorités arméniennes

André Manoukian revient justement de l’ONU, à Genève, où il a donné avec Charles Aznavour, un concert en hommage à l’Arménie. Inkala (2008), Melanchology (2011), puis Apatride, sorti en novembre : ses albums solo mêlent tous piano jazz et sonorités arméniennes, comme un voyage vers cet Orient perdu. « Il y a dix ans, grâce à la musique, j’ai découvert que l’Arménie pouvait m’apporter autre chose que des névroses. »

« En milieu hostile, ou même sur un plateau, parler devient un réflexe de protection. Et la métaphore, un langage universel »

Le voilà parti dans le récit familial, marqué au fer rouge par le génocide. Celui d’un père, décédé en 2016, qui a cherché toute sa vie à « s’extraire de la communauté, après une enfance bercée par des récits de massacres ». Puis du grand-père…