Son ultime combat laisse KO ses supporteurs. Jacques Kéchichian, champion d’Europe de boxe anglaise, catégorie super-welters, s’est éteint à 79 ans « des suites d’une longue maladie ». Ce lundi, Alfortville (Val-de-MArne) dit adieu à sa star des rings, avec une cérémonie à l’église Komitas, ouverte à tous, suivie d’un hommage à la Maison de la culture arménienne*. « Il voulait que tous les amoureux de la boxe soient là », confie le sculpteur Arestakes, son neveu.
Dans les années 1970, Jacques Kéchichian faisait figure de véritable célébrité. Qui plus est dans la communauté arménienne dont il était issu. En ce temps-là, la boxe est un sport très populaire en banlieue. « Il y avait tout un vivier de boxeurs à Alfortville, se souvient le maire PS Michel Gerchinovitz, âgé de 16-17 ans à l’époque. Jacques Kéchichian était la vedette. » Il remporte le titre de champion de France en 1971. « Il avait un beau palmarès et était capable de remplir le palais des Sports », se remémore l’adjoint PS Serge Franceschi. Son père, Joseph Franceschi, député-maire historique de la ville, était un passionné de boxe. Il avait même organisé un match pour permettre au boxeur arménien, surnommé « le tigeur », — il piquait des tiges de chaussures pour vivre —, d’accéder au Championnat d’Europe.
Une consécration qui lui donne la notoriété. Classé numéro 2 mondial, la vedette crève le petit écran. Son parcours plaît. Natif de Marseille, il avait quitté la France pour retourner à l’âge de 9 ans, en Arménie avec sa famille, au temps de l’URSS et du communisme. Il y passera 20 ans, enfilera les gants près de 200 fois en amateur, disputera même la finale du championnat d’URSS, avant de rentrer en France avec sa mère, qu’il adorait, et ses frères. En peu de temps, entraîné par l’incontournable Philippe Filippi, il réussit à faire sa place chez les pro, à déjà 30 ans.
À Alfortville, ses supporteurs se retrouvent au café Philippe, place Carnot. En tête, Micha, le chauffeur du maire, et Léoni le responsable du foyer Jean-Macé, qui l’appellent « Kéchiche ». « C’était une très bonne ambiance. Toute la communauté arménienne le suivait. Joseph Franceschi venait. Un car nous emmenait ensuite voir les matchs, se souvient Philor, qui tenait le café. On l’a suivi jusqu’au bout. »
Discret, travailleur, Jacques Kéchichian vivait très simplement, dans un deux-pièces en cité HLM avec sa mère. « C’était quelqu’un de très aimé, poursuit Serge Franceschi. Il n’avait pas le côté vedette. » « Il était tellement gentil, très simple, effacé, même timide. Je me demande comment il faisait pour être boxeur », sourit Philor.
« Ambassadeur » de la ville, « Kéchiche » se retrouve invité lors des grands événements. Comme en décembre 1972, lorsque Joseph Franceschi dédicace un ouvrage. Le boxeur, à la mine toujours sombre, figure à ses côtés au même titre que d’autres amis, tels Jacques Dutronc, le prix Femina Angelo Renaldi ou encore la chanteuse Catherine Sauvage.
« Il a aussi été le porteur d’une fierté retrouvée pour les Arméniens de France, confie son neveu, Benjamin Kéchichian. C’est une époque où les Arméniens et l’Arménie n’ont aucune visibilité au plan national. »
Dans les années 1980, Jacques Kéchichian s’éloignera, de quelques kilomètres seulement, pour s’installer à Paris. « Mais Alfortville, c’était sa ville de cœur », assurent ses proches.