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Astrig Siranossian : le violoncelle dans la peau

Paris Match
10 avr. 2018
Paris Match| Publié le 10/04/2018 à 18h57
Méliné Ristiguian
Astrig Siranossian répond aux questions de Paris Match. Nikolaj Lund

La jeune violoncelliste Astrig Siranossian compte bien imposer son style ! 

Premier Prix et plusieurs fois Prix Spécial du concours international K. Penderecki, à 29 ans, Astrig Siranossian fait partie de cette jeune génération de virtuose qui compte bien imposer leur style et transmettre leur passion. Philharmonie de Paris, Musikverein de Vienne, Kennedy Center à Washington ou encore Théâtre Colon à Buenos Aires : la musicienne de talent se produit sur quelques-unes des plus grandes scènes au monde. Le 23 avril à 20h, elle sera au théâtre de l'Athénée Louis Jouvet à Paris. Un parcours sans fausse note. Rencontre.

Paris Match. D’où vous vient cette passion pour la musique ?
Astrig Siranossian. La musique fait partie intégrante de ma vie depuis mon enfance. Mon père était directeur du conservatoire de musique de Romans sur Isère, ma soeur ainée jouait déjà du violon et ma mère a passé sa grossesse à écouter des disques et à aller à des concerts. Je ne me suis jamais posée la question de savoir si oui ou non je souhaitais faire de la musique dans ma vie. C’était une évidence. J'ai un souvenir assez déroutant en classe de C.P lorsque nous devions dire quel métier nous souhaitions faire.
A ma réponse «musicienne», la maitresse m’avait répondu : «ce n'est pas un métier !». Mes parents m'ont alors suggéré d'apporter mon violoncelle et mes partitions le lendemain afin d'expliquer qu’en dehors de l'école je travaillais déjà pour apprendre à jouer d'un instrument et que voulais faire comme les personnes présentes sur les disques !

Pourquoi avoir choisi le violoncelle ?
Je me souviens avoir demandé à 4 ans un violoncelle car je souhaitais être assise. Voyant ma soeur au violon constamment debout, j'étais certaine que cela n'était pas fait pour moi ! Je n'ai jamais regretté ce choix. Ayant également commencé le chant et le piano au même âge, ce qui m'a toujours plu dans le violoncelle, c'est qu'il avait à la fois l'harmonie grave du piano, et l'_expression_ vocale. J'ai l'immense privilège de jouer un magnifique violoncelle de F. Ruggieri datant de 1676 qui m'a été prêté par une fondation Suisse. Le fait d'avoir la responsabilité d'un instrument qui traverse les siècles est également très excitant. Etre à l'écoute des réactions du bois, adapter son jeu selon l'hygrométrie, vérifier quotidiennement si rien n'est décollé et veiller surtout à en prendre soin, tout cela développe évidemment une relation très particulière et cela renforce l'idée qu'il est la continuité de mes membres et de mon esprit. 

Quelle a été votre plus beau souvenir sur scène ? 
La première fois que Maestro Daniel Barenboim m'a invité à jouer le Quintet de R. Schumann. Travailler avec lui était et reste très émouvant.

A quelle fréquence répétez-vous par jour ?

Lorsque je ne voyage pas, je répète entre 4 et 6 heures par jour. En voyage, j'essaie d'arriver assez tôt sur les lieux de concerts pour m’acclimater à l’ambiance générale. J'aime le travail d'artisan qui est de recommencer chaque jour sans fin. Le concert n'est qu'un résultat sur le moment mais il n'est pas la fin d'un travail. Un peu comme un cuisinier qui concoctera son meilleur plat. Le lendemain malgré sa performance de la veille, il devra recommencer le processus du début. Je m'inspire énormément du travail des vignerons et de la répétition chaque année du processus qui doit être adapté selon les aléas de la nature. Le travail mental et une hygiène de vie positive ont également une très grande importance.

Vous avez remporté de nombreux prix, y en a t’il un que vous rêveriez d’avoir ?
Je ne vise pas la victoire même si elle n’est jamais désagréable. La préparation de concours internationaux a avant tout été une énorme masse de travail. Avoir un public qui me suit est déjà une très belle victoire. Toutes les récompenses qui me permettent de continuer mon chemin artistique me font rêver! 

Quels sont vos compositeurs préférés ?
Je ne pense pas à hiérarchiser les compositeurs car les classifier irait à l'encontre de ma démarche artistique qui est de comprendre et d’interpréter leurs musiques. Le beau est partout et j'aime relever le challenge qui consiste à faire aimer une musique sous estimée. Peut être finalement, comme en cuisine, le secret est dans l'amour que l'on y met, une bonne cuisson et un bon assaisonnement !

Votre répertoire est influencé par vos origines arméniennes, parlez moi de vos racines…
Tous mes arrières grands-parents étaient orphelins du génocide de 1915. Mes grands-parents sont nés en Syrie, ma mère au Liban et je suis née 10 jours après un tragique tremblement de terre qui a eu lieu en Arménie donc, je pense qu'au même titre que la musique, j'ai été imprégnée par mes origines très naturellement. Je retourne très souvent en Arménie pour jouer ou donner des Masterclass. Je souhaite m’impliquer davantage auprès des jeunes musiciens notamment en apportant des instruments et autres matériaux. C'est une vraie chance d'avoir en France de si bons Luthiers et Archetiers. Le chant et la danse font partie intégrante de la culture arménienne et je pense que cela a beaucoup contribué également à mon développement musical.

Composez-vous ?
Il m'arrive souvent d'arranger en partant de thèmes et de mélodies existantes. En revanche, je ne ressens pas le besoin de mettre sur papier une musique qui viendrait de ma seule inspiration.

Quels sont vos projets ?
La liste est longue mais concrètement : plusieurs concerts dont un au théâtre de l'Athénée Louis Jouvet le 23 avril à 20h, deux enregistrements dont un en live de deux concertos qui me tiennent très à cœur. J’espère à travers ces différents projets, inciter plus de monde à venir vers la musique classique, notamment les générations futures. 


Emil Lazarian: “I should like to see any power of the world destroy this race, this small tribe of unimportant people, whose wars have all been fought and lost, whose structures have crumbled, literature is unread, music is unheard, and prayers are no more answered. Go ahead, destroy Armenia . See if you can do it. Send them into the desert without bread or water. Burn their homes and churches. Then see if they will not laugh, sing and pray again. For when two of them meet anywhere in the world, see if they will not create a New Armenia.” - WS