- 3 juil. 2018
- Par Pierre HAFFNER
Aucune solution politique n’a été définitivement trouvée et n’est envisagée actuellement par aucune des parties. Le 2 avril 2016, les hostilités se sont ravivées pour quatre jours au cours desquels l’Azerbaïdjan a pris le contrôle de quelques positions. Le statu quo pourrait être rompu à nouveau.
Le président d’Azerbaïdjan, Aliyev qui a hérité ce poste de son père, a déclaré le 26 juin que l’Azerbaïdjan est prêt à détruire tous les sites militaires et stratégiques de l’Arménie au Haut-Karabakh. Il a déclaré que depuis 2003, l’Azerbaïdjan a multiplié par quinze ses dépenses militaires. Aliyev a affirmé que le facteur déterminant est la force et non la loi. Il a souligné que « la guerre n’a pas pris fin, seule sa première étape s’est achevée ». En clair, cela veut dire qu’elle va continuer. Ces déclarations sont appuyées par le déclenchement des manœuvres de grande envergure. Elles ont débuté le 2 juillet. Y participent 20.000 militaires, 120 chars et 30 avions de combat. Leur thème, une offensive à grande échelle destinée à libérer le Haut-Karabakh.
Tous les experts militaires confirment la qualité des armements qu’ils ont vus défiler le 26 juin à Bakou. Toute la région s’inquiète. Les médias titrent : « La guerre proche ou inévitable ».
L’observateur militaire de « Novaya gazeta », Pavel Felgenhauer a été interrogé par Ana Shulik sur la chaîne « ILand TV ». Il confirme la suprématie militaire de l’Azerbaïdjan sur l’Arménie. Son seul budget militaire est supérieur au budget total arménien. La manne pétrolière a servi à Bakou à acheter des armements sophistiqués à Israël, ainsi qu’à la Biélorussie et à la Russie, alliés théoriques de l’Arménie. Les belligérants du Proche-Orient prennent parti pour ou contre : la Turquie du côté de l’Azerbaïdjan, l’Iran, côté arménien.
Pavel Felgenhauer doute néanmoins qu’une guerre totale soit possible. Le président Aliyev pourrait utiliser ces accents belliqueux pour susciter dans son pays des engouements patriotiques afin de consolider son pouvoir.
Pour notre part, nous ferons un commentaire. Cette offensive renforce certainement le dictateur Aliyev, mais met en difficulté le nouveau gouvernement arménien de Nikol Pashinyan porté au pouvoir par un mouvement populaire. Nikol Pashinyan a entrepris des réformes et une lutte contre la corruption, comme il l’avait promis. Il a déjà fait arrêter une série de dignitaires corrompus. On le nomme le Saakasvili arménien. Un vent démocratique souffle en Transcaucasie. Les manifestations se succèdent aussi en Géorgie voisine. Elles pourraient se propager jusqu’à Bakou et à Moscou. Un ennemi extérieur peut faire blottir la population autour d’un pouvoir fort. Une guerre, même larvée, est souhaitable. Erdogan, Aliyev et Poutine le savent.
L’héritage soviétique a laissé des enclaves dans les républiques périphériques. Cela a permis à Moscou d’intervenir en Géorgie lors des conflits abkhaze et osséte, sur les territoires ukrainiens de Crimée et du Donbass, et moldave de Transnistrie. La Russie possède des bases militaires en Arménie et livre des armements à son ennemi l’Azerbaïdjan. La gestion du « chaos » permet d’exercer son empire sur des situations dont le contrôle s’échappe. Il est peu probable que ceux qui ont intérêt à ce qu’une situation conflictuelle se pérennise en Transcaucasie désirent y mettre fin rapidement. La guerre conforte les dictatures et conjure les mouvements populaires à la soumission.