Audrey Estermann, alias Ester Mann lorsqu’elle pose sa prose sur le papier, a de profondes attaches à Thann. Cette Alsacienne a quitté la région pour s’installer en banlieue parisienne mais vient régulièrement dans la vallée pour écrire. Le couple était de passage à Thann pendant les fêtes. « Mon père y habite. On adore venir ici, surtout en hiver avec la neige, le marché de Noël, les balades le long de la Thur. On est attaché à notre famille. C’est la tradition de passer les fêtes à Thann », raconte-t-elle. Son compagnon, Lévon Minasian, est originaire d’Arménie. Nourri de cinéma soviétique et de littérature russe, le réalisateur, très attaché à son pays natal, côtoie l’Alsace depuis plus de dix-sept ans. « Il y a beaucoup de similarités entre l’Arménie et l’Alsace, ce sont deux peuples qui ont souffert et qui ont su garder leur identité », assure-t-il.
La pluralité culturelle est donc une richesse qui fait écrire les deux artistes. L’Alsacienne compte trois livres à son actif. Le premier raconte le tournage du film Le Piano. Un autre recueil est né sous le titre Contes d’Arménie. Son dernier roman, Le Fil des anges , a été coécrit par Lévon Minasian. Comme coscénariste, elle collabore avec lui et est notamment la co-auteure des films L’Homme de l’île Sandwich et Moskvitch mon amour , long-métrage franco-arménien.
Le film "Moskvitch mon amour" sera sur les écrans le 23 janvier.
Les époux ont toujours voulu raconter des histoires, de belles histoires. Ils cosignent le scénario du nouveau film du réalisateur arménien Aram Shahbazyan, Moskvitch mon amour , lauréat de plusieurs grands prix dans des festivals internationaux. Il sort en salle le 23 janvier. Le pitch ? « Hamo, un vieux paysan vit avec son épouse dans un village reculé des montagnes d’Arménie. L’argent que leur fils leur envoie de Russie leur permet tout juste de survivre. Mais Hamo nourrit un rêve : acquérir une Moskvitch, la plus belle voiture du monde. L’URSS a disparu mais pas le rêve d’Hamo. Il apprend justement qu’il y a en une à vendre dans un village voisin. Ce film c’est avant tout une histoire d’amour entre un homme et sa femme », présente-t-il. Lévon Minasian et Ester Mann achèvent une année particulièrement productive. En février dernier, pour son premier long-métrage, le cinéaste arménien a allié avec passion et énergie des ingrédients narratifs et cinématographiques dans Bravo virtuose ! « Alik, clarinettiste, est le virtuose d’un orchestre dont l’existence est gravement menacée lorsque son mécène est assassiné. Une nuit, après s’être retrouvé en possession du téléphone d’un tueur à gage nommé « le virtuose », il décide d’usurper son identité ». Le réalisateur croise les genres (policier, comédie, histoire d’amour) et évoque avec lucidité la culture et le quotidien de l’Arménie.
Son long-métrage a obtenu de nombreux prix comme le Grand Prix Fifog d’Or au Festival international du film oriental à Genève, l’Ibis d’or, prix du public au Festival du cinéma, la musique du film, composée par Michel Petrossian, également récompensée au Festival de cinéma et musique de film de La Baule, l’Anello d’oro, meilleur Film à Ravenna nightmare film festival en Italie… « La distributrice de ce film est née à Thann », sourit le réalisateur. Un heureux hasard ! Ester Mann écrit et Lévon pose son regard derrière la caméra, pour faire passer des messages avant tout.
« On a quelque chose à dire et à partager. Sur la force de la jeunesse et de l’amour. La création c’est quelque chose de magique, tout vient de l’inconscient. On cherche à mettre les sensations avant l’intellect. Il faut partager le bonheur. Quand une personne va au cinéma, elle doit façonner son imaginaire et sortir des paradigmes. Il faut être créateur de son univers, de son monde, pour contrer l’uniformisation », explique cette passionnée des mots. « Le métier de scénariste n’est pas vraiment encore reconnu en France. On est les plus mal lotis et les plus mal payés et, pourtant, le scénario est la racine de l’œuvre cinématographique. C’est un métier formidable mais difficile. » L’homme défend le cinéma d’auteur au nom de la liberté. « Si vous ne faites pas de grands succès populaires, ce n’est pas toujours facile. Je préfère faire des films engagés socialement. » Au-delà des langues et des cultures qui se croisent en eux, ils sont animés par la passion des images et des histoires qui touchent et qui marquent.