Au siège de l'association pour la recherche et l'archivage de la mémoire arménienne, à Marseille, le trésorier Vartan Arzoumanian traque et signale depuis 2015 les propos négationnistes. Photo valérie vrel
Le prétendu génocide arménien est une véritable escroquerie historique", "il n'existe pas", "mensonge du siècle"… Depuis 2015, c'est un florilège de propos négationnistes que Vartan Arzoumanian, administrateur de l'association pour la recherche et l'archivage de la mémoire arménienne (Aram) relève patiemment sur Twitter. Avec un constat au bout de trois ans : "Le nombre de propos de ce type a explosé, en particulier l'an dernier." Pour conférer un caractère scientifique à sa démarche, le porte-parole de l'association marseillaise a limité son enquête à Twitter ("Sur Facebook, ce serait impossible tant les posts négationnistes pullulent") et s'est borné à relever les tweets écrits en langue française et niant expressément le génocide des Arméniens, excluant les simples posts injurieux ou haineux.
"On a essayé de comprendre, à travers la terminologie et les arguments, quelle était la source de ce négationnisme et on s'est rendu compte que ces twittos reprenaient les propos diffusés par l'État turc, par ses représentants diplomatiques ou son président, poursuit Vartan Arzoumanian. Même si ces mots sont tenus par des individus, il s'agit bien d'un négationnisme d'État." Qui se développe sur les réseaux en même temps que les propos racistes, antisémites ou islamophobes, avec une spécificité : "Le sentiment d'impunité renforcé par le fait qu'aucune loi ne pénalise le négationnisme du génocide des Arméniens."
Sur internet, des groupes s'organisent pour signaler systématiquement de tels propos auprès des administrateurs mais sans sanction possible. "Dès fin 2016, on a alerté le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, explique Vartan Arzoumanian. Puis le Premier ministre en juin 2017, et en mai 2018 la chargée de mission contre le racisme et l'antisémitisme sur internet Lætitia Avia comme le procureur de la République et le ministre chargé du Numérique Mounir Mahjoubi… aucune réponse ne nous a été donnée, et le rapport publié en septembre dernier ne mentionne jamais le génocide des Arméniens", regrette le militant, qui attend un signe du directeur général de Twitter, contacté en début d'année. Craignant que le virtuel bascule dans le réel, sa conclusion est sans appel : "Pour lutter contre cette propagande, il faut renforcer les connaissances, cela passe par l'éducation à l'histoire." Et ce n'est pas Aurore Bruna qui dira le contraire. Prof d'histoire dans un collège classé Rep à Marseille, la présidente du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) Sud plaide pour une formation des enseignants à la question du génocide, qu'elle a demandée en décembre aux représentants de l'Éducation nationale lors d'une réunion ministérielle sur l'étude des génocides et crimes de masse. "Il faut mieux former les profs mais aussi développer l'enseignement en ajoutant 1 h dans les programmes, dit-elle. Actuellement, le thème du génocide n'est traité qu'en 1 h en 3e, c'est trop peu pour expliquer ce que recouvre le concept, le cadre dans lequel il s'est exercé et les éléments de comparaison qu'on peut retrouver entre les différents génocides dans l'histoire."