« C’est une sacrée bonne nouvelle ! » André Manoukian ne cache pas son ressenti au lendemain de l’annonce par Emmanuel Macron d’une journée de commémorations du génocide arménien. Le chanteur d’origine arménienne nous confie : « Je ne vais pas bouder mon plaisir ! »
C’était une de ses promesses de campagne. Le chef de l’État, s’exprimant face à 300 invités au dîner annuel du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), a annoncé ce mardi soir que la France allait faire du 24 avril une « journée nationale de commémoration du génocide arménien ».
Cette date commémore la « rafle des intellectuels » du 24 avril 1915, lorsque des centaines d’entre eux avaient été arrêtés puis massacrés par des ottomans. L’Arménie estime qu’au total 1,5 million de ses compatriotes ont été tués sur ordre d’officiers turcs entre 1915 et 1916.
Le génocide arménien est déjà reconnu officiellement en France depuis la loi du 19 janvier 2001. « La France, c’est d’abord et avant tout ce pays qui sait regarder l’histoire en face, qui dénonça parmi les premiers la traque assassine du peuple arménien, qui dès 1915 nomma le génocide pour ce qu’il était, qui en 2001, à l’issue d’un long combat », a rappelé Emmanuel Macron.
Cette nouvelle annonce « est un pas supplémentaire et ça va au-delà du symbole, même si c’est un acte moins majeur que la reconnaissance de 2001 », juge auprès du Parisien Florent Parmentier, chercheur en géopolitique à Sciences Po et spécialiste de la région.
De quoi en tout cas satisfaire la communauté arménienne vivant en France, forte de plusieurs centaines de milliers d’habitants, et dont Charles Aznavour – décédé le 1er octobre dernier – était l’une des figures principales. « Y’a tellement de gens que ça va réjouir », s’enthousiasme André Manoukian, présent au dîner mardi soir. « La France est un exemple dans le monde concernant le génocide arménien », s’est réjouit pour sa part le co-président du CCAF Mourad Papazian.
Sans surprise, la Turquie s’est agacée de cette décision. « Nous condamnons et refusons les tentatives de Monsieur Macron, qui connaît des problèmes politiques dans son pays, de transformer en affaire politique des faits historiques pour sauver la mise », a réagi ce mercredi matin un porte-parole du président turc Recep Tayyip Erdogan, n’hésitant pas à renvoyer Emmanuel Macron aux Gilets jaunes. « On va peut-être en rester à cette condamnation classique et attendue, sauf si le pouvoir turc a des occasions de s’en servir politiquement dans ses relations avec la France », avance Florent Parmentier.
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D’autant que les sujets de frictions avec Ankara sont nombreux, comme l’a lui-même rappelé le président français : situation en Syrie, lutte contre le groupe Etat islamique, droits de l’homme, etc. « Il y a tout un tas d’enjeux avec la Turquie qui pourra aussi mettre en avant le rôle historique et peu glorieux de la France dans certains conflits, comme en Algérie ou au Rwanda, pour défendre ses propres intérêts et s’en prendre à la France », précise le chercheur.
Cette nouvelle journée de commémorations relance le débat sur l’adoption en France d’une loi pénalisant le négationnisme du génocide arménien. Un tel projet a été voté à plusieurs reprises par le Parlement, en 2012 et en 2016, mais à chaque fois aussitôt censuré par le Conseil constitutionnel.
Les « Sages » y voyaient une entrave à la liberté d’_expression_ et justifiaient que le génocide arménien n’avait pas été qualifié par une juridiction internationale. « Je l’ai toujours en travers de la gorge car c’est ce qui nous importe le plus », glisse, amer, André Manoukian.