Publié le vendredi 12 avril 2019 à 11h41 – Mis à jour le samedi 13 avril 2019 à 23h07
Il est prévu que, le 24 avril, la Chambre, en séance plénière, adopte une proposition de loi qui émane des députés MR, rejoints par le CD&V, la N-VA et l’OpenVLD.
Elle élargit la portée de l’article 20 de la loi contre le racisme et la xénophobie du 30 juillet 1981, dite “loi Moureaux”. Approuvé récemment en commission de Justice de la Chambre, le texte réprime toute dénégation, minimisation ou tentative de justification des génocides reconnus par une juridiction internationale.
Sont concernés les génocides rwandais et de Srebrenica, en ex-Yougoslavie. Le négationnisme de l’Holocauste des juifs est, de son côté, visé par une loi spécifique datant de 1995.
Le ministre de la Justice Koen Geens a confirmé que la proposition devait être adoptée juste après les vacances de Pâques.
S’exposera désormais à des sanctions pénales “quiconque (…) nie, minimise grossièrement, cherche à justifier ou approuve des faits correspondant à un crime de génocide, à un crime contre l’humanité ou à un crime de guerre (…) établis comme tels par une décision définitive rendue par une juridiction internationale, sachant ou devant savoir que ce comportement risque d’exposer soit une personne, soit un groupe, une communauté ou leurs membres, à la discrimination, à la haine ou à la violence”.
Koen Geens a précisé qu’en votant cette disposition, la Belgique se conformera au prescrit de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, qui exigent que les Etats adaptent leur législation en ce sens depuis plusieurs années.
Le ministre en a profité pour indiquer que le “ génocide arménien ne relève pas du champ d’application de cette loi, car il ne fait pas l’objet d’une décision rendue par une juridiction internationale”.
Cette restriction passe très, très mal au sein de la communauté arménienne de Belgique.
Vendredi, dans un communiqué, les représentants des Arméniens, Assyriens et Grecs pontiques ont dit regretter “que l’élargissement de l’arsenal législatif en cours punissant le négationnisme se soit limité à la dénégation des génocides rwandais et de Srebrenica”."
Le Comité des Arméniens de Belgique, le Centre culturel du peuple de Mésopotamie, la Fédération des Assyriens de Belgique, la Fédérations des Araméens (syriaques) et l’Association des Grecs pontiques “Kamian K’en Argos” déplorent que le législateur se refuse “à condamner la dénégation du génocide commis contre leurs communautés par le gouvernement ottoman Jeune Turc en 1915.”
Ils rappellent que le jour prévu pour le vote de la proposition de loi, à savoir le 24 avril, coïncide avec le jour de la commémoration du génocide des Arméniens. “Si la Chambre souhaitait insulter la mémoire des victimes du génocide de 1915, elle n’aurait pas pu mieux s’y prendre”, soulignent les auteurs du communiqué qui en appellent à une modification du texte.
Les communautés signataires rappellent que la Belgique a reconnu le génocide des Arméniens au Sénat et à la Chambre, ainsi qu’à travers une déclaration du Premier ministre Charles Michel.
Quatre reconnaissances. Le mot génocide a été “inventé” en 1944 par Raphael Lemkin, juriste polonais. Un génocide est un acte (massacre, atteinte grave à l’intégrité, préjudice mental ou physique) “commis dans l’intention de détruire, tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux”, selon la convention des Nations unies du 9 décembre 1948. Le génocide arménien de 1915 est l’un des quatre génocides reconnus par les instances onusiennes. Le génocide des Juifs lors de la Seconde Guerre mondiale a été reconnu par la cour de Nuremberg en 1945 et a servi de point de départ à la définition du terme. Depuis, le massacre des Tutsis au Rwanda, en 1994, et le massacre de Srebrenica (Bosnie-Herzégovine), en 1995, ont été qualifiés de génocide par les tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie.
Sanctions. En Belgique, nier le génocide du peuple juif par le régime nazi est puni depuis 1995. La Chambre s’apprête à voter une loi sanctionnant pénalement ceux qui nieraient l’existence des génocides commis au Rwanda et à Srebrenica. Mais ce texte n’évoque pas le génocide arménien pour les raisons évoquées ci-dessus.