Exotisme alimentaire
par Jacques CAPELOVICI
Le Figaro, France
17 septembre 2004
Il n’est pas sans intérêt de noter que le nom de la pêche (fruit)
remonte au latin malum persicum signifiant littéralement « pomme de
Perse », le terme « pomme » étant pris dans le sens générique de
fruit. Le « r » de Perse est absent du français pêche, de l’anglais
peach et de l’italien pesca ; mais on le retrouve dans l’allemand
Pfirsich, le néerlandais perzik et le russe persik, d’origine latine,
ce qui donne à penser que, malgré la proximité de la Perse, ce fruit
a été probablement introduit en Russie par une autre voie.
Non moins exotique est le nom de notre abricot, qui remonte à
l’adjectif latin praecoquum qualifiant un fruit précoce, en
l’occurrence originaire de Chine, que les Grecs nommaient armeniaka,
fruit d’Arménie. Les Arabes le réintroduisirent dans l’Occident sous
le nom d’al-barqoûq, enrichi de l’article défini, qui a donné
naissance à l’espagnol albaricoque, au portugais albricoque, à
l’italien albicocco et, bien entendu, au français abricot, d’où
viennent l’anglais apricot, l’allemand Aprikose et le néerlandais
abrikoos. Rencontre inattendue : le russe abrikos est homophone du
mot néerlandais. Dans toutes ces langues, le « a » initial remonte à
l’article arabe al amputé de sa consonne.
Enfin, il faut se rendre en Israël pour y trouver l’origine de notre
échalote, qui vient du port d’Ascalon. Les exemples de ce genre sont
assez nombreux pour nous éclairer sur les voyages qu’accomplirent
certains produits alimentaires avant d’aboutir dans nos assiettes.