Le Figaro, France
26 novembre 2004
Fabius prêche le « respect » entre socialistes;
En meeting à Marseille, il a répondu à Daniel Cohn-Bendit qui l’avait
accusé de mener une « stratégie personnelle »
Elsa FREYSSENET
Laurent Fabius ou le « non tranquille » en dix leçons. L’ancien
premier ministre, héraut des opposants à la Constitution européenne,
tenait meeting hier soir à Marseille dans le local de la fédération
des Bouches-du-Rhône, dont la plupart des élus soutiennent le oui.
Face aux attaques de ses adversaires, il a maintenu son invariable
ligne de conduite : refuser la contre-attaque directe. « Il faut
respecter les idées, respecter les femmes et les hommes et respecter
l’unité du Parti socialiste », a-t-il répété. Une fois, le numéro
deux du PS a répliqué : non pas à un socialiste mais au Vert Daniel
Cohn-Bendit. La veille, le député européen écologiste avait déclaré,
dans un message enregistré diffusé lors d’un meeting de François
Hollande à Montpellier : « Fabius veut être président de la
République, c’est son droit, mais mettre l’Europe au ban pour une
stratégie personnelle, c’est effroyable. » En marge de sa réunion
publique à Marseille, Laurent Fabius a asséné : « Les deux dernières
fois que Daniel Cohn-Bendit a dit oui, c’était oui au voile islamique
et oui à la guerre en Irak alors… »
Muet sur Lionel Jospin, elliptique sur François Hollande, le député
de Seine-Maritime a moqué au détour d’une phrase « la position du PS
sur l’adhésion de la Turquie » à l’Union européenne. « Je ne l’ai pas
encore comprise », a-t-il ironisé avant de réitérer, dans une ville
qui compte une communauté arménienne importante, son opposition à
cette adhésion. Puis, lunettes sur le nez et texte en main, il a
longuement motivé son non à la Constitution européenne. « Le marché y
est mentionné 78 fois, la concurrence 27 fois et le plein emploi une
fois », a-t-il souligné. A la veille du rassemblement à Madrid des
leaders sociaux-démocrates européens, dont François Hollande, tous
favorables au oui, Laurent Fabius a tenté de rassurer l’inquiétude
des militants sur le risque d’isolement du PS s’il votait non : « Mes
camarades, vous n’êtes pas isolés, vous n’êtes pas seuls, vous êtes
les premiers ! »
Décidé à jouer sur la réticence des socialistes à voter une
Constitution soutenue par l’UMP, il a établi un parallèle entre ce
texte et « l’idéologie très nette de Nicolas Sarkozy », tous deux
marqués par « l’hyperlibéralisme », « l’atlantisme » et « le
communautarisme ». Plus le camp du oui semble marquer des points au
PS et plus Laurent Fabius recourt à des arguments de politique
nationale. Hier, dans une interview à La Marseillaise, il a accusé «
certains partisans du oui » d’avoir « entamé une sorte de danse du
centre ». Dominique Strauss-Kahn était visé mais il n’a pas été cité.
A quelques jours du référendum du 1er décembre, le déplacement de
Laurent Fabius dans les Bouches-du-Rhône s’annonçait délicat. La
plupart des élus du département, dont le président du conseil général
Jean-Noël Guerini, militent pour le oui. Dans cette fédération qui
fut autrefois fabiusienne, l’ancien premier ministre ne compte plus
qu’un dernier carré de fidèles. Du coup, les siens ont récemment mis
en doute, de manière préventive, la sincérité du vote dans cette
fédération, dont le passé est chargé en la matière. De façon ferme
mais sur un ton plus apaisé, Laurent Fabius a souhaité hier que « le
débat ait lieu sans pression ni intimidation ». Il était entouré du
député Sylvie Andrieu, du conseiller général Vincent Buroni et du
président de la région Paca, Michel Vauzelle. Alors qu’un millier de
personnes avaient accueilli, le 15 novembre dans la ville, François
Hollande, Dominique Strauss-Kahn et Jack Lang, ils n’étaient que 200
hier soir. S’ils n’étaient pas tous adhérents au PS, tel Ahmed, venu
« avec son collègue Mourad qui lui est militant », ils ont tous
chaleureusement applaudi.
–Boundary_(ID_jGCdXUtSnCpl+RpHQ1ZV2A)–