libération, France
lundi 13 Décembre 2004
Paris demandera à Ankara de reconnaître le génocide arménien
BRUXELLES – La France demandera à la Turquie de reconnaître le
“génocide” arménien pendant ses négociations d’adhésion à l’Union
européenne, a déclaré lundi le ministre français des Affaires
étrangères, Michel Barnier.
Cette demande, qui ne constitue pas une condition à l’ouverture de
négociations, décision qui sera prise vendredi à Bruxelles par les
dirigeants européens, a provoqué une fin de non-recevoir de la part
des autorités turques, qui démentent que la mort de nombreux
Arméniens en 1915 constitue un génocide.
“La France posera cette question”, a dit Michel Barnier en marge
d’une réunion des chefs de la diplomatie européenne consacrée à la
préparation du sommet européen. “Je pense qu’un grand pays comme la
Turquie doit faire son devoir de mémoire.”
Il a dit avoir “évoqué la demande que fera la France, au cours de la
négociation, d’une reconnaissance de la tragédie du début du siècle
qui a touché plusieurs centaines de milliers d’Arméniens”, a ajouté
le ministre français, qui a utilisé le terme “génocide” à un autre
moment de sa conférence de presse.
L’Assemblée nationale française a reconnu le génocide arménien, qui
aurait fait quelque 1,5 million de morts, et les quelque 300.000
Arméniens vivant en France, la plus importante communauté de toute
l’Union européenne, mènent campagne pour que l’Union européenne
prenne leurs thèses en compte.
RECONCILIATION
“Si, comme je le crois, le projet européen depuis plus de 50 ans est
fondé sur la réconciliation, réconciliation entre nous – et la France
et l’Allemagne ont fondé ce projet sur cette idée-là – et puis
réconciliation avec soi-même, alors je pense que la Turquie devra, le
moment venu, faire le travail de mémoire, de réconciliation avec sa
propre histoire et reconnaître cette tragédie”, a ajouté Barnier.
Prié de dire s’il croyait que la Turquie allait changer changer sa
position, il a répondu: “Ce qui est nouveau, c’est que la Turquie
veut maintenant entrer dans l’Union.”
Mais, comme en 2001, lorsqu’elle avait durement réagi à la
reconnaissance du génocide arménien en suspendant l’achat de matériel
militaire français ainsi que les visites officielles en France, la
Turquie ne paraît pas près d’accepter cette demande.
“Notre position est bien connue”, a déclaré à Reuters un porte-parole
du ministère turc des Affaires étrangères. “Nous ne reconnaissons
aucun soi-disant génocide et nous ne le reconnaîtrons jamais.”
Cette demande risque de tendre les relations entre la Turquie et la
France. Elle s’ajoute au souhait de Paris de voir une “hypothèse”,
autre que l'”adhésion pleine et entière”, figurer dans les
conclusions du sommet.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress