La Nouvelle République du Centre Ouest
03 janvier 2005
Turquie : pourquoi tant d’hostilité ?
« Au sujet de la candidature de la Turquie à l’Union européenne, on
entend surtout les criailleries de gens qui parlent de tout et n’ont
rien vu. Les propos d’une lectrice, publiés dans vos colonnes (“Le
triomphe de l’empire ottoman”) m’ont fait bondir. Peut-on qualifier
de triomphe un processus engagé depuis quarante ans, qui n’aboutira
peut-être pas avant vingt ans, auquel il sera possible à tout instant
de mettre un terme et assorti de conditions aussi draconiennes ? Je
reconnais là le langage de ceux qui veulent faire de l’Europe un club
chrétien.
« Il se trouve que j’ai passé vingt étés en Turquie, que je crois
connaître assez bien ce pays, l’ayant parcouru en tous sens jusque
dans ses coins les plus reculés, y compris le Kurdistan et l’ancienne
Arménie, et que, loin d’être arriéré comme certains le pensent, il
traverse en ce moment une formidable movida, comparable à celle de
l’Espagne postfranquiste. C’est un pays extrêmement jeune, dynamique,
dont l’infrastructure routière se modernise à un rythme effréné, et
qui me semble désirer bien plus ardemment l’Europe que les derniers
adhérents qui ont montré, par leur taux d’abstention scandaleux aux
récentes élections européennes, qu’ils s’en moquaient comme d’une
guigne.
« Il paraît que la Turquie n’est pas en Europe. Certes. Mais en quoi
Chypre, qui se situe à la hauteur de la Turquie orientale, est-elle
plus européenne ? Un de vos lecteurs nous rappelait que l’Europe
allait de l’Atlantique à l’Oural, mais il me semble que l’Oural se
trouve bien plus à l’est que le point le plus oriental de la Turquie,
et dans ce cas nous serions en contact avec toutes les Républiques
caucasiques, bien plus dangereuses comme foyer d’agitation que les
voisins de la Turquie. »