Turquie et Armenie vont normaliser leurs relations

Le Monde, France
3 septembre 2009 jeudi

Turquie et Arménie vont normaliser leurs relations

par: Guillaume Perrier

Ankara et Erevan devraient échanger des ambassadeurs et rouvrir la
frontière commune

Après des mois de négociations silencieuses sous le patronage de la
Suisse, la Turquie et l’Arménie ont annoncé, lundi 31 août, leur
intention d’établir des relations diplomatiques dès l’automne, ouvrant
la voie à une normalisation rapide de leurs rapports. Ankara et Erevan
doivent faire ratifier la décision par leur Parlement respectif, après
six semaines de " consultations politiques internes ". Selon le
calendrier prévu, des missions diplomatiques seront envoyées de part
et d’autre le 1er novembre. La frontière commune, fermée depuis 1993,
pourrait rouvrir " autour du Nouvel An ", a dit le ministre des
affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, mardi. Ce plan prévoit ensuite
la mise en place d’une commission mixte d’historiens chargée de se
pencher sur la question du génocide de 1915.

" Diplomatie du ballon rond "

Un an après le match de football Arménie-Turquie, à Erevan, et la
visite, pour l’occasion, du président turc Abdullah Gül dans la
capitale arménienne, la " diplomatie du ballon rond " produit ses
premiers résultats concrets. Cette accélération subite intervient
d’ailleurs à l’approche du match retour entre les deux équipes, qui
aura lieu à Bursa, dans l’ouest de la Turquie, dans six semaines… et
deux jours. Le président arménien, Serge Sarksian, devrait assister à
la rencontre. Il suspendait jusqu’à présent sa venue à " des progrès
significatifs de la part de la Turquie " concernant l’ouverture de la
frontière.

En déclarant leur volonté de rapprochement, " la Turquie et l’Arménie
ont fait un pas courageux ", estime Hugh Pope, correspondant de
l’International Crisis Group. Ahmet Davutoglu a justifié son
engagement en expliquant : " Notre but est de garantir à la Turquie un
environnement sûr qui soit une source de stabilité et non de crise. "

Les six semaines de consultations nationales à venir promettent des
débats acharnés en Turquie. Déjà, en avril, le gouvernement avait
reculé au moment de dévoiler sa feuille de route devant la
mobilisation du camp nationaliste. " Ce protocole est comme un tapis
rouge déroulé pour Sarksian ", a critiqué, mardi, Deniz Bölükbasi,
député du parti d’action nationaliste (MHP).

L’opposition reproche au gouvernement de céder sur la question du
Haut-Karabakh, une province d’Azerbaïdjan à majorité arménienne,
contrôlée par Erevan et objet d’un conflit gelé depuis 1994. "
L’Arménie confirme-t-elle officiellement qu’elle se retire du
Haut-Karabakh ? ", demande ironiquement Onur Oymen, député du parti
kémaliste CHP. En mai, le premier ministre Erdogan avait fait la
promesse, devant le Parlement azerbaïdjanais que la frontière
turco-arménienne ne serait pas rouverte sans départ des troupes du
Karabakh. " Les intérêts de nos amis d’Azerbaïdjan seront pris en
compte ", a assuré M. Davutoglu.