L’accord de normalisation entre la Turquie et l’Armenie n’efface…

Le Monde, France
13 octobre 2009 mardi

L’accord de normalisation entre la Turquie et l’Arm©nie n’efface pas
les crispations

par: Guillaume Perrier

ENCART: Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a r©affirm©
qu’Erevan devra se retirer de la province az©rie du Haut-Karabakh pour
que le texte soit ratifi© par les d©put©s Ankara

Pendant plus de trois heures, samedi 10 octobre, Zurich (Suisse), la
signature de l’accord de normalisation diplomatique entre la Turquie
et l’Arm©nie est rest©e en suspens. Un ultime blocage, c´t© arm©nien,
sur les termes du discours que le ministre turc des affaires
©trang¨res, Ahmet Davutoglu, devait prononcer, a fait planer le doute
sur la c©r©monie.

A la derni¨re minute, la berline d’Hillary Clinton, en route pour
l’universit© de Zurich, a fait demi-tour vers son h´tel. Depuis la
voiture gar©e sur le parking, la secr©taire d’Etat am©ricaine a
multipli© les coups de t©l©phone aux ministres turc et arm©nien pour
trouver un compromis. Une heure plus tard, tout le monde s’est remis
en route pour rejoindre les d©l©gations suisse, russe, fran§aise et
europ©enne, les co-parrains avec les Etats-Unis de cet accord. Apr¨s
un ultime conciliabule d’une heure et demie, et la d©cision de
supprimer les discours, le texte a finalement pu ªtre sign©.

Le premier objectif est d’ouvrir la fronti¨re commune dans un d©lai de
deux mois apr¨s la ratification par les Parlements des deux pays. " Il
y avait des inqui©tudes des deux c´t©s (…). Des questions
d’interpr©tation sur ce qui devait ªtre dit et ne pas ªtre dit ", a
comment© Mme Clinton, dans l’avion qui la conduisait dans la soir©e
Londres, sans davantage pr©ciser les motifs du blocage. " Nous avons
©t© capables de faire comprendre tout le monde qu’il ©tait imp©ratif
d’avancer. – Les deux pays – vont maintenant tous les deux soumettre
l’accord leurs Parlements respectifs. Et ce sera difficile ",
a-t-elle ajout©.

Le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a voulu minimiser
l’incident. " Soyez s»rs que, pendant que vous viviez une crise de
trois heures, j’©tais avec ma d©l©gation en train de boire du th©.
Nous ©tions certains que les protocoles allaient ªtre sign©s. Cela
fait partie des n©gociations ", a-t-il r©pondu une cha®ne de
t©l©vision turque.

Selon le journal H¼rriyet, qui a publi© des extraits du discours qui
n’a pas ©t© prononc©, M. Davutoglu souhaitait faire une r©f©rence
explicite la situation au Haut-Karabakh, une province disput©e
d’Azerba¯djan, contr´l©e par l’Arm©nie depuis 1993. C’est pour cette
raison que la fronti¨re avec l’Arm©nie avait ©t© ferm©e par Ankara.
L’Arm©nie tient au contraire disjoindre les deux questions.

D¨s le lendemain de la signature de l’accord turco-arm©nien, le
premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan,
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n’en a pas moins r©affirm© la position de son pays liant l’ouverture
de la fronti¨re turco-arm©nienne un r¨glement du conflit dans le
Haut-Karabakh. Ce qui a raviv© les doutes. " Tant que l’Arm©nie ne se
sera pas retir©e des territoires azerba¯djanais qu’elle occupe, la
Turquie ne pourra pas avoir une attitude positive envers elle ",
a-t-il d©clar© dimanche devant les cadres de son parti, l’AKP. " La
Turquie attend maintenant un geste de la part de l’Arm©nie sur la
question du Haut-Karabakh ", confirme Aybars G¶rg¼l¼, un universitaire
sp©cialiste de la question arm©nienne.

Le chef du gouvernement turc a tent© dans le mªme temps de rassurer
l’Azerba¯djan, pays de souche turque, soutien fid¨le d’Ankara qui
dispose d’alli©s politiques et de relais au sein de l’appareil d’Etat.
Mais Bakou, la capitale, l’accord de Zurich passe mal et entre " en
contradiction frontale avec les int©rªts nationaux de l’Azerba¯djan ",
selon le minist¨re des affaires ©trang¨res. Une entrevue a bien eu
lieu, vendredi 9 octobre, entre Serge Sarkissian et Ilham Aliev, les
pr©sidents arm©nien et azerba¯djanais, mais elle n’a permis aucune
avanc©e.

Le gouvernement turc de M. Erdogan doit faire ratifier le document par
le Parlement. Ce pourrait ªtre plus long que pr©vu, du fait de la
pression des partis nationalistes d’opposition. D¨s dimanche, le
d©put© k©maliste Onur -ymen a d©nonc© une " abdication devant les
pressions ext©rieures ", et a livr© son " inqui©tude pour l’avenir du
pays ".

L’accord est ©galement contest© par une minorit© en Arm©nie. A l’appel
du parti nationaliste Dachnak, plusieurs milliers de personnes ont
d©fil© en fin de semaine dans les rues d’Erevan, la capitale,
r©clamant que la Turquie reconnaisse pr©alablement le g©nocide
arm©nien de 1915. " Compte tenu de l’ignorance qu’il y a en Turquie
sur les ©v©nements de 1915, cela prendra beaucoup de temps avant
qu’une telle r©flexion n’©merge ", note M. G¶rg¼l¼.