Genocide armenien : coup de froid entre les USA et Ankara

Le Figaro, France
5 Mars 2010

Génocide arménien : coup de froid entre les USA et Ankara

Mots clés : génocide arménien, ETATS-UNIS, TURQUIE

Par Thomas Vampouille

La Turquie a rappelé jeudi son ambassadeur à Washington, après le vote
par la commission américaine des Affaires étrangères d’une résolution
reconnaissant le génocide arménien.

Les relations se tendent entre Ankara et Washington. La commission des
Affaires étrangères de la Chambre des représentants américaine a
approuvé jeudi une résolution sur la reconnaissance du génocide
arménien par la Turquie en 1915. «C’est une nouvelle preuve de
l’attachement du peuple américain aux valeurs humaines universelles et
un pas important vers la prévention des crimes contre l’humanité», a
réagi le ministre arménien des Affaires étrangères, Edouard
Nalbandian. En signe de protestation, Ankara a en revanche
immédiatement rappelé son ambassadeur aux Etats-Unis «pour
consultations».

«Nous condamnons cette résolution qui accuse la nation turque d’un
crime qu’elle n’a pas commis», a déclaré le gouvernement turc. Elle
n’a «aucune valeur aux yeux du peuple turc», a ajouté le président
turc Abdullah Gül, qui menace de «conséquences négatives (¦) dans tous
les domaines». Selon Ankara, ce vote montre «un manque de vision
stratégique» parmi les élus américains, alors que les deux pays
«travaillent ensemble sur un large éventail de questions». La Turquie,
alliée de longue date de l’OTAN, joue un rôle important dans les
intérêts américains au Moyen-Orient et en Afghanistan, ainsi que dans
la médiation face à Téhéran dans le dossier du nucléaire iranien.

Hillary Clinton avait pourtant mis en garde les membres de la
commission contre l’adoption d’une telle position. Cela «pourrait
dresser des obstacles devant la normalisation des relations» entre la
Turquie et l’Arménie, soutenue par Washington, avait averti la
secrétaire d’Etat américaine. Ce qui n’a pas empêché le texte d’être
voté par 23 voix contre 22. «Les Turcs disent que voter la résolution
pourrait avoir des conséquences terribles pour nos relations
bilatérales, et peut-être y aura-t-il en effet des conséquences», a
déclaré le président de la Commission, Howard Berman. «Mais je crois
que la Turquie tient à ses relations avec les Etats-Unis au moins
autant que nous tenons à nos relations avec la Turquie.»

Le texte n’a pas encore force de loi

La question est un champ de mines diplomatique. Alors que les
massacres commis entre 1915 et 1917 par l’empire ottoman sont
qualifiés de «génocide» par la France, le Canada ou encore le
Parlement européen, l’importante diaspora américaine aux Etats-Unis
fait pression depuis des années en ce sens. Selon les Arméniens, plus
d’un million et demi d’entre eux ont été tués dans ce génocide. La
Turquie reconnaît qu’entre 300.000 et 500.000 personnes ont péri mais,
selon elle, dans le chaos des dernières années de l’Empire ottoman et
non pas victimes d’une campagne d’extermination. Elle récuse donc la
notion de «génocide».

Le texte voté jeudi appelle le président américain à «qualifier de
façon précise de génocide l’extermination systématique et délibérée de
1.500.000 Arméniens». Pour avoir force de loi, il doit désormais faire
l’objet d’un vote devant la Chambre des représentants en séance
plénière. En 2007, une résolution similaire avait déjà été approuvée
mais à l’époque, le président George W. Bush avait empêché que le
texte soit soumis à l’ensemble des élus du Congrès. Barack Obama, qui
avait promis lors de sa campagne électorale la reconnaissance du
génocide arménien, a toutefois renoncé à employer ce terme après son
élection. Ankara voudrait bien le voir rester sur cette position et a
appelé vendredi Washington à bloquer la résolution par «des efforts
plus efficaces», estimant que le vote de jeudi prouve que
l’administration Obama «n’a pas suffisamment pesé» jusqu’à présent.

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