INTERNET, FAUSSE REVOLUTION GEOPOLITIQUE ?
Source/Lien : France Inter
Publie le : 22-08-2011
Info Collectif VAN – – Le vendredi 19 août 2011,
“La chronique internationale”, emission quotidienne de Frederic
Encel a 7h50 sur France Inter, a ete consacree a “Internet, fausse
revolution geopolitique ?” : “Sur le plan geopolitique, la Toile
incarne-t-elle vraiment la revolution qu’on evoque si souvent ? Au
fond, Internet est ce qu’on en fait. Le meilleur – s’ouvrir au monde
en effet, decouvrir d’autres gens, d’autres paysages et d’autres
cultures, partager ses passions, ses joies, ses craintes, ses
informations. Et le pire : une formidable caisse de resonnance pour
le racisme et l’antisemitisme, le complotisme et le negationnisme,
les rumeurs assassines et la pedopornographie. Lorsque les grands
medias sont contraints de fermer leurs forums de discussions devenus
des torrents de boue ; lorsque les negationnistes des genocides
juif ou armenien et autres contestataires du 11-septembre deversent
leur fiel delirant.” Frederic Encel est Docteur en geopolitique et
professeur a l’ESG Management School de Paris. Il est très engage
dans la lutte contre le negationnisme du genocide armenien perpetre
par l’Etat turc, dans la lutte contre le negationnisme de la Shoah et
celui du genocide des Tutsi. (Re)ecouter cette emission disponible sur
le site de France Inter jusqu’au 14/05/2014 a 07h50. Le Collectif VAN
vous invite a lire et ecouter cette information publiee le vendredi
19 août 2011 sur le site de France-Inter.
France Inter
Aujourd’hui, nous vous parlons d’Internet. Sur le plan geopolitique, la
Toile incarne-t-elle vraiment la revolution qu’on evoque si souvent ?
vec le printemps arabe, s’est renforcee la conviction qu’Internet
constituait une veritable revolution geopolitique. L’usage massif
et sans precedent des reseaux sociaux par des foules de jeunes
contestataires, n’a-t-il pas contribue a ebranler de solides dictatures
? Des millions de jeunes internautes n’ont-ils pas, en quelques clics,
reussi a se retrouver, a revendiquer, a s’informer et a informer
en continu, aux depens d’archaïques regimes politiques n’opposant
a Twitter ou Facebook que le blindage de leurs chars d’assaut et
d’inoperantes frontières ?
Internet qui aurait revolutionne la manière de communiquer et de
combattre. Après tout, les ordres d’agir donnes aux terroristes du
11 septembre le furent semble-t-il par internet, a 10 000 kilomètres
de la zone a frapper. Et puis grâce a Internet – stupidement utilise
par la sergente americaine England, a Abou Ghraïb, le monde entier a
su que certains soldats humiliaient et maltraitaient des prisonniers
irakiens desarmes. Internet encore, avec Wikileaks qui nous apprend
que les diplomates font plus du Machiavel que du Oui-Oui au pays des
Jouets. Decidement, on en fait et on en apprend des choses nouvelles
par le truchement d’Internet.
Au ton que vous employez, vous cherchez visiblement a contester des
idees recues.
On ne peut rien vous cacher. Voyez-vous, le problème c’est qu’on
peut temperer voire contester point par point les pretendues grandes
avancees de la Toile.
Bien sûr qu’Internet fut un accelerateur et un facilitateur de la
courageuse revolte arabe. Mais de Spartacus a Budapest en 1956, des
jacqueries medievales au printemps des peuples europeens de 1848 en
passant par les revolution francaise, chinoise et mexicaine, on n’a
pas entendu Twitter pour se soulever, et on a fort bien su comment
etendre la contagion.
Bien sûr qu’Internet permet de defier les Etats. Mais voyez deja avec
quelle force ces Etats s’adaptent et ripostent, qu’il s’agisse des
pires dictatures repressives comme en Syrie, des systèmes autoritaires
comme en Chine, ou des democraties comme en Angleterre.
Bien sûr que n’importe quelle image d’atrocite fait aujourd’hui le
tour de la planète en quelques minutes. Tandis que la photo de cette
petite Vietnamienne fuyant nue et effrayee son village en feu avec
en fond un soldat americain, elle, a ete vue de la planète en 24 heure.
10 mn/24h, so what ? comme disent les Anglo-saxons. En quoi cela
change-t-il le fond des choses ? Dans les deux cas, l’opinion
americaine – et mondiale – fut choquee, avec des consequences
geopolitiques serieuses.
Quant a alerter sur un champ de bataille ou a ordonner par-dela des
mers, le telephone, le telegraphe, les pigeons voyageurs, les reflets
de miroirs au soleil et autres volutes de fumee firent merveille en
leur temps et espaces respectifs.
Tout de meme, est-ce qu’Internet n’a pas apporte aux hommes la
possibilite sans precedent de s’ouvrir les uns aux autres ?
Vous voulez dire : sauf au tiers de la population mondiale qui se
contente de chercher de l’eau et du grain pour survivre jusqu’au soir.
Sachant qu’un autre quart de l’humanite surfe sur Internet au risque
de sa liberte voire de sa vie.
Entendons-nous bien : Internet est un outil formidablement performant
en termes de communication. Mais un outil seulement. La forme plutôt
que le fond. Une modalite et non l’essentiel. Jusqu’a preuve du
contraire, on ne guerroie ni ne massacre moins depuis l’avènement de
la Toile.
Au fond, Internet est ce qu’on en fait. Le meilleur – s’ouvrir
au monde en effet, decouvrir d’autres gens, d’autres paysages et
d’autres cultures, partager ses passions, ses joies, ses craintes, ses
informations. Et le pire : une formidable caisse de resonnance pour
le racisme et l’antisemitisme, le complotisme et le negationnisme,
les rumeurs assassines et la pedopornographie. Lorsque les grands
medias sont contraints de fermer leurs forums de discussions devenus
des torrents de boue ; lorsque les negationnistes des genocides
juif ou armenien et autres contestataires du 11-septembre deversent
leur fiel delirant ; lorsque les neo-nazis, les islamistes radicaux
et autres evangelistes fanatiques abreuvent la Toile de leur haine,
donnant parfois des indications sur la fabrication facile d’une bombe,
est-on encore sur le chemin de l’ouverture tous azimuts, de la liberte,
de la paix entre les peuples ?
Il faudrait plus d’un clic pour s’en convaincre.
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