Dizaines de milliers d’Armeniens a Erevan devant monument genocide

Tageblatt, Luxembourg
Dimanche, 24 Avril 2005

Des dizaines de milliers d’Arméniens à Erevan devant le monument du génocide

Des dizaines de milliers d’Arméniens se sont recueillis dimanche à
Erevan devant le monument aux victimes du génocide de 1915, pour le
90e anniversaire des massacres perpétrés par les Turcs.
En pleurs ou en silence, ils ont déposé des fleurs devant le monument
aux victimes, sur une colline de la capitale arménienne, comme le
président Robert Kotcharian, alors qu’une prière était récitée par le
catholicos Karékine II, chef de l’Eglise apostolique arménienne.

»Cela fait déjà trente ans qu’en ce jour, je viens tôt le matin au
mémorial. J’y dépose six tulipes, autant que le nombre de morts dans
ma famille au temps du génocide», témoigne dans la foule recueillie
Mikhitar Haroutounian, en s’approchant du monument sur lequel a été
suspendue une grande affiche avec les photos de 90 survivants du
génocide.

Comme beaucoup, le vieil homme de 74 ans dit être venu pour »rappeler
au monde ce crime pour lequel personne jusqu’ici n’a répondu et ne
s’est excusé», alors qu’Ankara refuse de reconnaître le terme de
génocide malgré les demandes répétées d’Erevan.

»Qui se souvient aujourd’hui du génocide des Arméniens?», s’interroge
un peu plus loin dans la foule Achot Arevian, venu avec sa femme
Asmik.

»Si à l’époque le génocide arménien avait été condamné, il n’y aurait
pas eu d’Holocauste» des juifs pendant la Seconde guerre mondiale,
ajoute-t-il.

Une minute de silence a été observée à travers tout le pays à 19H00
locales (14H00 GMT), après une messe oecuménique célébrée dans la
cathédrale Saint-Grégoire d’Erevan, avec des prières récitées par des
représentants des Eglises catholique, anglicane, grecque et russe
orthodoxe.

Le 24 avril 1915, en pleine Première guerre mondiale, les autorités
turques avaient arrêté 200 leaders de la communauté arménienne,
donnant le signal de ce que l’Arménie considère comme le début d’un
génocide planifié.

Il y a 90 ans de cela, »a été commis un crime sans précédent dans
l’Histoire de notre peuple et de toute l’Humanité», a déclaré le
président Kotcharian dans une adresse à la nation.

Il a cependant fait un geste en direction de la Turquie en assurant
que l’Arménie était »prête à construire des relations naturelles avec
la Turquie», avec laquelle Erevan n’a toujours pas établi de
relations diplomatiques.

»Cependant la dénégation de la Turquie suscite non seulement notre
perplexité, mais celle de la communauté internationale toute
entière», a-t-il ajouté.

Ankara rejette catégoriquement la thèse d’un génocide, estimant qu’il
s’agissait d’une répression dans un contexte de guerre civile et
limite son estimation du nombre de victimes arméniennes à entre
300.000 et 500.000 morts.

Le 90e anniversaire du génocide arménien intervient dans un contexte
de pressions accentuées pour que la Turquie reconnaisse le génocide:
le Parlement polonais, à l’instar de 15 autres pays, notamment
européens, vient de qualifier le massacre de génocide et un débat a
été ouvert au Parlement allemand.

Et le président du parti de centre-droit français UDF François
Bayrou, présent à Erevan, a annoncé le dépôt d’une résolution devant
le Parlement européen pour que soit reconnu le terme de »génocide
arménien», évoquant sa reconnaissance par la Turquie comme une
condition à son éventuelle entrée dans l’Union européenne.

Alors que des milliers de membres de l’importante diaspora arménienne
était venus à Erevan, quelque 350.000 personnes ont manifesté en
France. Ils étaient plus de 500 à Athènes et d’un millier à Lviv,
dans l’ouest de l’Ukraine.

Le chiffre d’1,5 million de manifestants attendu dimanche à Erevan
par les organisateurs était impossible à évaluer en raison de
l’absence d’estimation officielle du nombre de visiteurs au monument
du génocide.

From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress