Etienne Copeaux : "Charlie, L’Islam Et Nous"

ETIENNE COPEAUX : “CHARLIE, L’ISLAM ET NOUS”

Publie le : 12-03-2015

Info Collectif VAN – – Le Collectif VAN vous
propose cet article d’Etienne Copeaux, chercheur francais specialiste
de la Turquie, publie sur son blog susam-sokak.fr le 11 mars 2015.

Legende : La Une de Charlie Hebdo (mois de janvier).

Susam-Sokak

11 Mars 2015

Publie par Etienne Copeaux

Charlie, l’islam et nous (1)

Le battage mediatique a propos des attentats de janvier commence
a faiblir. Pendant des semaines, les emissions sur l’islam, sur le
terrorisme, l’humour, la caricature, le terrorisme, la lutte contre le
terrorisme, se sont succede. On n’avait jamais vu cela, je crois. Les
journalistes ont dû apprendre a prononcer certains mots arabes, ils
ont appris nahda, djahiliyya, takkiye qu’ils ont enonce doctement
pour faire croire qu’ils connaissaient tout cela depuis l’enfance.

Peremptoirement, certains ont annonce, sur les ondes et dans la
presse, que ” l’islam doit se reformer “, qu’ ” il faut une mise a
niveau “, une ” modernisation “, une ” reorganisation par l’Etat “,
un ” concordat “. Des theologiens ont ete convoques, des imams, des
philosophes musulmans. Puis dans une seconde vague, on a vu apparaître
des avis contraires : que l’Etat n’avait pas a reguler l’islam,
que l’islam s’etait sans cesse reforme tout au long de son histoire.

L’ecole etait montree du doigt, car elle n’avait pas reussi a empecher
l’apparition d’enfants devoyes de la Republique. Il fallait donc
reformer l’ecole, introduire un enseignement des religions, accentuer
l’apprentissage des valeurs republicaines, familiariser les enfants
avec le drapeau, la Marseillaise…

J’ai passe ma vie a l’ecole, en quelque sorte, et je me suis senti
interpelle par ces assertions. Si l’ecole avait echoue, je devais
m’en sentir responsable. Or, et particulièrement dans ce domaine de
” l’apprentissage d’une religion autre “, je croyais avoir fait
mon possible. Et je n’etais pas seul, je presume que nous etions
des milliers d’enseignants a avoir fait ce travail auprès de nos
elèves, pendant des decennies. Nous n’avions pas besoin de reforme
de l’enseignement, de directives, d’instructeurs. Nous faisons le
travail, par conviction. Etions-nous trop minoritaires ? Qu’est-ce
qui a echoue ?

Les evenements bouleversants de janvier l’ont ete, pour ma generation
et pour mon milieu, parce qu’ils nous forcaient a un retournement sur
nous-memes, notre vision de la societe, nos pratiques d’enseignants.

Puis, au fur et a mesure de l’avancee des debats mediatiques en janvier
et fevrier, l’introspection a deborde sur l’autre versant de ma vie,
celui d’une recherche sur la dissimulation d’un discours religieux
dans un Etat musulman laïque, la Turquie, sur l’analyse de ce qui
fait qu’un discours historique est laïque ou non… Enfin, de retour
dans l’enseignement et fort de cette experience, j’ai reflechi a la
manière de la faire passer (ou comment echouer a la faire passer)
parmi les elèves et au sein des institutions scolaires.

Une part du bouleversement provient de ce que tout au long de notre
vie nous avons côtoye a la fois Charlie et l’islam.

Hara-Kiri puis Charlie-Hebdo ont fait partie de notre formation, dès
l’âge de quinze ans, et nous n’etions pas choques qu’ils veuillent
nous choquer. Au contraire, cela faisait du bien dans la France
gaulliste, celle de la fin de la guerre d’Algerie et de l’OAS, celle
de l’amenagement/demenagement du territoire, celle de la police de
Raymond Marcellin.

Ces annees d’après-1968 etaient un temps de deceptions ; elles
etaient aussi les annees d’entree dans la vie, la confrontation avec
l’autorite, l’autorite politique reactionnaire, celle qui encadre la
vie professionnelle, et l’autorite militaire qui m’a permis, malgre
moi, de mieux comprendre le fonctionnement de la societe.

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Source/Lien : Susam-Sokak

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