Hasan Cemal : Le Reporter Du Genocide Armenien

HASAN CEMAL : LE REPORTER DU GéNOCIDE ARMéNIEN

Publié le : 21-04-2015

Info Collectif VAN – – Le Collectif VAN vous
propose cet article sur Hasan Cemal publié sur le site Toute l’Europe
le 17 avril 2015.

Toute l’Europe

Le 17 avril 2015

Portraits d’Européens

Hasan Cemal : le reporter du génocide arménien

Hasan Cemal est un journaliste a l’ancienne, prêt a aller au front
et régulièrement dans la ligne de mire du pouvoir politique. En
Turquie, ce profil n’est pas vraiment du goÔt du gouvernement et
du président Recep Tayyip Erdogan. D’autant moins qu’Hasan Cemal
est engagé en faveur de la reconnaissance du génocide arménien,
un dossier encore extrêmement sensible. En 2012, il a publié un
best-seller sur le sujet : une manière de s’écarter définitivement
de son lourd héritage familial. Son grand-père, Djemal Pacha,
fut l’un des trois grands ordonnateurs du massacre, en 1915 et 1916.

” Petit-fils de ” et militant de la réconciliation

Pour Hasan Cemal, reconnaître le génocide arménien commis par les
Turcs, son peuple, en 1915 et 1916, fut un long cheminement. Pendant
longtemps, il n’a pas prononcé ni écrit ce mot, largement tabou en
Turquie – en atteste encore la réaction outrée du gouvernement turc
a la suite de la reconnaissance du génocide par le pape Francois le
12 avril. ” Le mot ” génocide ”, je l’ai écrit plusieurs fois”
, se rappelle Hasan Cemal dans un documentaire diffusé sur France 5
et par la RTBF en 2015. ” Puis je l’ai barré. Je l’ai réécrit et
je l’ai barré a nouveau. Alors je me suis interrogé : pourquoi moi,
Hasan Cemal, ai-je un problème avec ce mot ” génocide ” ? Je me
disais : mais pourquoi fuis-tu ce mot ? Si c’est ainsi que tu penses,
écris-le ! Car ce qu’ont vécu les Arméniens ottomans en 1915 et
1916 a été planifié et appliqué de manière systématique. C’est
un génocide” .

Il est probable que son histoire familiale ne l’a pas aidé a franchir
le pas plus rapidement. Son grand-père n’est en effet autre que
Djemal Pacha, qui fut l’un des trois dirigeants Jeunes-Turcs qui a
dirigé le pays au début du XXe siècle, durant la Première Guerre
mondiale. Avec Enver Pacha et Talaat Pacha, Djemal Pacha prend le
contrôle du pays a la suite des guerres balkaniques perdues par
l’Empire ottoman en 1912 et 1913. Deux ans plus tard, durant la
Guerre, les Jeunes-Turcs s’emploient a brider l’émancipation des
minorités. Commence le génocide au cours duquel plus d’un million
d’Arméniens ottomans ont péri, assassinés ou victimes de leur
déportation.

Ce n’est qu’en 2012 qu’Hasan Cemal a définitivement rompu avec
cet héritage. Il publie 1915 : génocide arménien, un livre qui
deviendra rapidement un best-seller – signe d’une Turquie qui change
– et qui invite l’Etat turc a reconnaître sa responsabilité. Six
ans plus tôt, il s’était rendu a Erevan, la capitale arménienne,
pour se recueillir au Mémorial de Tsitsernakaberd, bâti en 1968
pour commémorer le génocide. Il accompagne alors son ami et
confrère Hrant Dink, Turc d’origine arménienne, ardant défenseur
de la réconciliation entre les deux peuples et assassiné l’année
suivante dans des circonstances troubles.

” Personnellement, j’ai beaucoup appris de cet infatigable militant
du rapprochement turco-arménien, tant de son vivant qu’après sa
mort” , écrira Hasan Cemal en 2008, dans un éditorial publié
dans le quotidien Milliyet, traduit par Courrier international. ”
J’ai ainsi compris que l’on ne pouvait échapper a l’Histoire. Dans
le silence du matin, j’ai donc réfléchi a la futilité qu’il y a a
vouloir encore nier le passé, de même qu’aux risques qu’il y a a se
retrouver prisonnier de ses propres souffrances” , poursuit-il. Avant
de citer Hrant Dink. ” Quelle part d’humanité allons-nous donc
bien pouvoir sauver en chacun de nous si nous nous prêtons a des
acrobaties sémantiques pour savoir s’il s’agit d’un génocide ou
d’une déportation, a plus forte raison si nous sommes incapables
ensuite de les condamner de la même facon tous les deux ? ”.

Ci-dessous, l’éclairage du journaliste Guillaume Perrier :

Faire son travail en Turquie

De Milliyet, Hasan Cemal est parti en 2013. Il y travaillait depuis
1998. La faute a un article sur une rencontre entre le gouvernement
turc, alors dirigé par Recep Tayyip Erdogan depuis devenu président,
et le PKK, l’organisation kurde considérée comme terroriste par
la Turquie, l’Union européenne ou encore les Etats-Unis. Vivement
critiqué par M. Erdogan, Hasan Cemal répliqua qu’il ne faisait que
son travail, mais fut empêché de publier d’autres articles sur ce
sujet, son journal ne souhaitant pas le suivre dans cette nouvelle
croisade.

Non content de soutenir la reconnaissance du génocide arménien,
le journaliste osait en plus couvrir la question kurde et se rendre
dans les montagnes de Qandil, situées au croisement des frontières
turque, irakienne et iranienne, pour interviewer les rebelles.

Au fond, peu importe : Hasan Cemal en a vu d’autres. Rasé de près,
cheveux correctement peignés, lunettes arrondies, chemises oxford et
veste en velours côtelé, Hasan Cemal est l’archétype du reporter a
l’ancienne, toujours par monts et par vaux. Il a même des faux airs de
Jean-Marie Colombani, l’ancien patron du Monde. Mais être journaliste
engagé et indépendant en Turquie n’a pas les mêmes implications
qu’en France. Celui qui a aujourd’hui 71 ans, et dont la conscience
journalistique et l’intégrité viennent d’être récompensées
par l’université de Harvard, avait déja dÔ abandonner son poste
de rédacteur en chef en 1992, lorsqu’il écrivait pour le pourtant
engagé et courageux Cumhuriyet – le seul journal d’un pays musulman
a avoir publié des dessins de Charlie Hebdo a la suite des attentats
de janvier dernier.

Aujourd’hui, Hasan Cemal écrit pour le site d’information turc T24. Il
y a quelques années encore, son engagement lui aurait certainement
valu la censure, la prison, voire une tentative d’agression ou
d’assassinat. L’association Reporters sans frontières, qui a inscrit
Hasan Cemal parmi ses ” 100 héros de l’information ”, avait tout de
même alerté l’opinion, en 2012, sur la campagne de diffamation dont
il a été victime, au même titre que d’autres journalistes turcs,
pour sa couverture des dossiers arménien et kurde. Le quotidien
islamiste et nationaliste Yeni Akit l’avait accusé de ” glorifier
” le groupe terroriste du PKK et d’en être un ” enthousiaste
propagandiste” .

Largement insuffisant pour museler Hasan Cemal, que personne n’est
encore parvenu a empêcher de “faire son travail”.

Texte et infographie : Toute l’Europe

Interview vidéo et mise en page : 28â~@²

Voir aussi :

Génocide arménien, le spectre de 1915

Lire aussi :

Hasan Cemal, le repentir d’un petit fils de Djemal

Source/Lien :
Toute l’Europe

http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=87683
https://www.youtube.com/watch?v=IoAAlT1Vk0w
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=87683
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