Du Medz Yeghern Au Genocide Armenien : Un Siècle De Debats Et De Rev

DU MEDZ YEGHERN AU GENOCIDE ARMENIEN : UN SIÈCLE DE DEBATS ET DE REVENDICATIONS

Turquie-Armenie-genocide-anniversaire

Tout a commence par une maree humaine dans les rues d’Erevan. Ce
24 avril 1965, plus de 100.000 personnes battent le pave de la
capitale de la “Republique socialiste sovietique” pour reclamer la
reconnaissance du “genocide” armenien. Le debut d’un mouvement de
revendication jusque-la discret.

Pendant des decennies, les Armeniens ont parle de “Medz Yeghern”,
la “grande catastrophe”, pour evoquer les massacres dont ont ete
victimes des centaines de milliers d’entre eux entre 1915 et 1917. Et
jusqu’aux manifestations de 1965, le mot “genocide” etait tabou en
Union sovietique, dont l’Armenie etait une des quinze republiques.

Dans la foulee, et surtout avec l’independance du pays a la chute
de l’URSS en 1991, la lutte pour la reconnaissance internationale du
genocide armenien est devenue le fil d’Ariane de la politique etrangère
du pays. Pour Ankara, en revanche, le massacre des Armeniens n’etait
qu’une page noire de plus dans le livre du chaos de la Première
guerre mondiale.

“Pour les Armeniens, le mot +genocide+ resume ce qu’on a fait a
leurs ancetres en 1915 mais elève aussi leur experience a celle de
l’holocauste”, explique Thomas de Waal, specialiste du Caucase pour
la fondation Carnegie.

“C’est precisement pour cette raison que la Turquie a toujours rejete
ce terme : cela mettrait leurs grands-parents sur le meme pied que
les Nazis, et genère des craintes qu’on entame des poursuites contre
la Turquie”, ajoute-t-il.

La bataille des mots se double d’une bataille des chiffres : l’Armenie
estime que jusqu’a 1,5 million des siens ont ete systematiquement tues
entre 1915 et 1917 quand la Turquie affirme qu’il s’agissait d’une
guerre civile, doublee d’une famine, dans laquelle 300 a 500.000
Armeniens et autant de Turcs ont trouve la mort.

– Lutte pour la reconnaissance –

Les Armeniens se sont longtemps referes a ces massacres en parlant
de “Grande catastrophe”. Ce n’est qu’en 1944 que le juriste polonais
Raphaël Lemkin inventa le mot genocide, derive du grec “genos” (race)
et du suffixe latin -cide (du latin “caedere”, tuer). La Convention
des Nations unies le reconnut quatre ans plus tard : celle-ci enumère
une serie de crimes, dont le meurtre, qui le constituent a condition
d’etre commis “avec l’intention de detruire en tout ou en partie un
groupe national, ethnique, racial ou religieux”.

En Armenie, les manifestations d’avril 1965, a l’ampleur jamais vues
auparavant, forcèrent l’URSS a ouvrir le debat. “C’etait comme si un
genie etait sorti de sa bouteille”, se souvient Rolan Manoucharian,
un professeur de physique descendu dans la rue.

Les annees 1980 virent plus tard l’emergence d’un mouvement
international pour la reconnaissance du genocide armenien, largement
alimente par la diaspora armenienne des Etats-Unis, dont une
minorite radicale se rendit coupable de l’assassinat de plusieurs
haut-responsables turcs.

Si 22 pays ont a ce jour reconnu le genocide, parmi lesquels la France,
la question a en revanche toujours ete delicate pour les presidents
americains. Barack Obama, qui avait plaide avant son election pour
la reconnaissance du genocide armenien, ne fait pas exception a la
règle en utilisant desormais le terme armenien de Medz Yeghern.

– Retour a la terre ? –

Cent ans après la tragedie, les relations diplomatiques entre l’Armenie
et la Turquie sont toujours gelees.

“Le mot ‘genocide’ n’est pas qu’un concept. Il signifie aussi qu’un
crime a ete commis, qui merite punition et demande reparation”,
souligne Ruben Safrastian, le directeur de l’Institut d’etudes
orientales d’Erevan. Le gouvernement armenien n’insiste plus sur
ses revendications territoriales mais le procureur general armenien,
Aghvan Hovsepyan, avait jete un froid en 2013 en affirmant que les
Armeniens devaient recuperer leurs “territoires perdus”, dans l’est
de la Turquie.

Peu d’analystes croient pour autant en une telle possibilite. “Pour
un dirigeant politique armenien, affirmer que l’Armenie n’a aucune
revendication territoriale serait difficile (…) mais les hommes
politiques occidentaux ne prennent pas au serieux” la possibilite
d’une querelle territoriale, analyse Svante Cornell, directeur de
recherche a l’Institut d’Asie centrale et du Caucase.

En Armenie, certaines voix minoritaires estiment meme que l’insistance
des autorites a faire reconnaître le genocide armenien devie le pays
de sa priorite : le developpement economique.

“La memoire du genocide force les Armeniens a rester prisonniers de
leur passe”, estime l’analyste armenien Ruben Hovsepian, dont la mère
avait pu echapper aux massacres quand elle etait enfant. “En gaspillant
tant d’energie a forcer la Turquie a reconnaître notre genocide, nous
n’arrivons pas a nous construire notre propre avenir”, ajoute-t-il.

Par Mariam HAROUTYUNYAN

AFP

mercredi 22 avril 2015, Stephane (c)armenews.com

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Erevan 1965

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