Libération , France
22 Avril 2006
Une loi punitive dans les cartons des parlementaires
Si le génocide arménien est reconnu en France depuis 2001, aucun
texte ne punit le négationnisme.
par Amaria TLEMSANI
QUOTIDIEN : samedi 22 avril 2006
«La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915.»
C’est par cet unique, et laconique, article de loi que l’Assemblée
nationale a voté à l’unanimité, le 29 janvier 2001, la reconnaissance
du génocide du peuple arménien. «Les travées étaient
exceptionnellement pleines, et le public ému a applaudi au moment du
vote», témoigne Vartan Arzoumanian, responsable du Comité de défense
de la cause arménienne (CDCA).
En effet, cette nouvelle loi ne permet pas de condamner la négation
du génocide arménien. La loi Gayssot du 13 juillet 1990 non plus, qui
pénalise uniquement le négationnisme de la Shoah. Depuis 1995,
plusieurs amendements successifs avaient été déposés à l’Assemblée
nationale visant l’extension de la loi Gayssot au génocide arménien.
En 2003, Dominique Perben, alors garde des Sceaux, avait rejeté
l’intégration d’un tel amendement dans son vaste projet de réforme
dit «Perben 2». Il considérait «la loi de 2001 comme suffisante».
Pour Pascal Clément, alors député rapporteur de la loi, actuel garde
des Sceaux, une telle disposition aurait eu pour effet «de banaliser
la Shoah», ce qui aurait été «ni opportun ni stratégique».
Cette étrange comparaison a scandalisé la communauté arménienne, qui
remonte aujourd’hui au créneau, soutenue par une partie des députés
socialistes qui préparent un nouveau projet de loi. Pour ces
parlementaires, dont Jean-Marc Ayrault, François Hollande ou
Jean-Yves Le Bouillonec, le futur texte viendra compléter la loi du
29 janvier 2001. Il s’agit ni plus ni moins «de tirer au plan pénal
les conséquences de l’entrée en vigueur de la loi reconnaissant le
génocide arménien». Les députés proposent de soumettre au même régime
répressif la négation du génocide arménien et celle de la Shoah.
Si au sein de la communauté arménienne tous défendent ce projet, des
voix s’élèvent, notamment chez les historiens. Ainsi, pour Stéphane
de Tapia, chercheur au CNRS, «la loi de 2001 votée par une poignée de
députés est une erreur. Ce n’est pas au Parlement d’écrire
l’histoire». Et d’ajouter «il ne peut y avoir une loi spécifique à
propos d’un peuple en particulier.» Le CDCA reste confiant «Chaque
groupe parlementaire a dans ses tiroirs un projet de loi sur la
question, il existe donc un vrai consensus.» Réponse le 18 mai, date
d’examen de la proposition de loi.
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