ROBERT GUEDIGUIAN, L’HOMME AUX MULTIPLES CULTURES
De notre redaction de Tours
La Nouvelle Republique du Centre Ouest
01 juillet 2006
Robert Guediguian etait jeudi a Tours pour presenter son dernier film
" Le Voyage en Armenie ".
L’homme est a l’image de ses films, chaleureux, amical. Lors d’une
rencontre avec le public des Studio a Tours, ce petit-fils d’Armenien,
Marseillais de coeur, a explique comment l’idee de ce " voyage "
lui a ete suggeree par Ariane Ascaride.
Comment vous est venue l’idee du " Voyage en Armenie " ?
" Ce film m’a ete suggere par ma femme, Ariane Ascaride. Ariane a eu
l’idee de depart, elle voulait faire un film sur son père napolitain.
En meme temps, l’Armenie m’avait invite, pour une retrospective de mes
films en 2001. Et la-bas, le contact est passe. L’Armenie est un petit
pays devenu independant en 1990, un pays pauvre, qui recherche les
enfants de la diaspora comme moi. Ils sont a la recherche d’artistes,
de footballeurs, de sportifs d’origine armenienne, cela peut se
comprendre.
" Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est que l’on me venère la-bas :
on m’a arrete dans la rue, offert des fleurs coupees… J’ai realise
que j’etais très connu, alors que je n’etais jamais alle la-bas. Et
on m’a suggere de faire un film en Armenie. J’avoue, j’ai craque.
Puis Ariane a transpose son histoire dans ce pays, elle a ecrit le
scenario, avec Marie Desplechin et moi. Voici comment est ne " Le
Voyage en Armenie ". "
Le tournage s’est realise dans de bonnes conditions ?
" Oui, j’ai tourne avec des acteurs francais et armeniens. L’Armenie
a une grande tradition d’acteurs et d’actrices, meme si le cinema
armenien est encore embryonnaire. Je leur ai dit qu’il faudrait
que les gens se mettent a tourner dans la rue. L’Armenie cherche
actuellement a produire des films avec ses voisins, comme la Georgie,
où le cinema est plus developpe. J’espère que mes films, qui sont
projetes en Armenie depuis toujours, vont y susciter des vocations. "
" Je suis francais, armenien et aussi marseillais "
Ce film sort dans une periode, notamment en France, où les idees
identitaires regagnent du terrain. Cela ne vous gene-t-il pas ?
" Si, les questions identitaires actuelles en France, et pas
seulement en France, ne sont pas très jolies, elles me semblent
regressives, reactionnaires. En realite, beaucoup de gens ont
une double identite, moi par exemple, qui suis francais, armenien
et aussi marseillais. Marseille est un bon exemple du melange des
cultures. Nous portons tous en nous plusieurs cultures. C’est ce qui
fait notre richesse. "
L’Armenie, c’est aussi la reconnaissance du genocide armenien. Un
sujet sensible, la aussi. La Turquie finira-t-elle par se prononcer
sans ambiguïte sur cette question ?
" Aujourd’hui, la Turquie met la pression pour rentrer au sein de
l’Union europeenne. Elle finira bien par reconnaître le genocide
armenien. Seulement, elle est passee de l’empire ottoman a une
republique nationaliste pure et dure, comme si elle etait un pays
homogène. La Turquie a aussi ses extremistes. Mais je crois maintenant
que sur cette question armenienne, la Turquie est reellement divisee
en deux. "
" Le voyage en Armenie " sera-t-il projete en Turquie ?
" Oui, mes films passent en salle en Turquie, et celui-ci y passera
aussi. Je suis d’ailleurs en pourparlers avec la Turquie pour
participer a un festival. Et puis, ce film est moins un film politique
qu’un film sur l’humain. Chacun peut se reconnaître, quelle que soit
son origine, sa nationalite. Je pense que c’est une chambre d’echos
de toutes les problematiques. "
Quel sera votre prochain film ?
" J’y travaille. Il se passera a Marseille, ma ville de coeur. "
GRAPHIQUE: Image: Robert Guediguian.
Image: Ariane Ascaride et son père – dans le film – Marcel Bluwal,
lors du tournage du " Voyage en Armenie ".
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