Interdiction de nier le drame de 1915 – La France adopte une …

Le Devoir

Interdiction de nier le drame de 1915 – La France adopte une
sur le génocide arménien
Les parlementaires suscitent la colère de la Turquie et les critiques
de l’Union européenne
AFP
Édition du vendredi 13 octobre 2006
Mots clés : Québec (province), Violence, loi, génocide arménien,
ue
Malgré l’hostilité du gouvernement, les députés français ont
adopté hier une proposition de loi socialiste qui sanctionne la
négation du génocide arménien, provoquant la colère de la
Turquie et les critiques des institutions de l’Union européenne.

Un membre de l’opposition turque est allé hier mettre une couronne
mortuaire sur le consulat de France à Istanbul
Agence Reuters
Grace à la non-participation au vote de la majeure partie des
députés UMP, le texte a été validé par 106 voix contre 19.
Compte tenu du calendrier parlementaire, il semble toutefois peu
probable qu’il soit discuté au Sénat avant la fin de l’actuelle
législature, en février 2007.

Ce vote porte un «coup dur» aux relations franco-turques, a
déclaré le ministère turc des Affaires étrangères dans un
communiqué, selon lequel la France «perd malheureusement sa position
privilégiée au sein du peuple turc». Avant le vote, la Turquie
avait brandi la menace de représailles économiques.

Il a aussi été critiqué par la Commission européenne, selon
laquelle ce texte peut «empêcher le dialogue pour la
réconciliation» entre la Turquie et l’Arménie. Bruxelles y voit en
outre un obstacle au dialogue avec la Turquie au moment où celle-ci
frappe à la porte de l’Europe.

Le gouvernement français s’est aussi distancé du texte, qu’il ne
soutenait pas. Le premier ministre Dominique de Villepin a estimé que
ce n’était «pas une bonne chose que de légiférer sur les
questions d’histoire et de mémoire». Et le ministère des Affaires
étrangères a rappelé que la France restait «très attachée au
dialogue avec la Turquie».

Mais les députés font passé outre les mises en garde sur une crise
avec la Turquie pour adopter ce texte prévoyant que toute personne
niant la réalité du génocide arménien de 1915 sera punie d’un an
de prison et d’une forte amende.
Déposée par l’opposition socialiste, la proposition a été
adoptée à une large majorité : 106 voix pour et 19 contre.
Quarante-neuf députés du parti UMP au pouvoir (droite) ont voté
oui, ainsi que 40 élus du Parti socialiste (PS). La majorité des 577
députés étaient cependant absents au moment du vote, salué par
des applaudissements. Ce texte complète une loi de 2001 qui avait
déjà marqué la reconnaissance du génocide arménien.

Le vote d’hier ne signifie cependant pas que la loi va forcément
entrer en vigueur : le texte doit encore être adopté par le
Sénat (Chambre haute du Parlement) avant une deuxième lecture. Les
groupes politiques pourraient alors décider de ne pas l’inscrire à
l’ordre du jour afin de ne pas envenimer les relations avec Ankara.
À l’Assemblée, le texte a divisé les partis au-delà du clivage
gauche-droite.

«J’espère que la France, patrie de la liberté où chacun peut
librement exprimer ses opinions, ne deviendra pas un pays où des gens
sont emprisonnés pour avoir exprimé leurs opinions et publié des
documents», avait déclaré mercredi le ministre turc des Affaires
étrangères, Abdullah Gül.

Lors des débats, le député du parti au pouvoir (UMP) Patrick
Devedjian, d’origine arménienne, a accusé la Turquie «d’exporter
le négationnisme dans notre pays» en organisant des manifestations
en France.

Le débat a eu lieu en présence de sept députés turcs invités
par le président de l’Assemblée nationale Jean-Louis Debré —
opposé à l’adoption du texte — et installés dans la tribune
présidentielle. Ils se sont éclipsés en silence après le vote.

Hasard du calendrier, ce vote est survenu le jour de l’attribution du
prix Nobel de littérature au romancier Orhan Pamuk, critiqué en
Turquie pour avoir pris la défense de la cause arménienne.

Les Arméniens estiment que jusqu’à 1,5 million des leurs ont péri
dans un génocide perpétré par les Turcs entre 1915 et 1917, ce
qu’Ankara récuse.

Agence France-Presse
et Reuters