Genocide Des Armeniens: Les Juristes De La Confederation Dans Le Flo

GENOCIDE DES ARMENIENS: LES JURISTES DE LA CONFEDERATION DANS LE FLOU

Le Temps, Suisse
14 novembre 2006

LOI. Le directeur de l’Office federal de la justice suggère de se
referer a une instance internationale pour decider quels evenements
meriteront la qualification de genocide.

Une instance internationale pour definir les genocides dont la
contestation serait passible des tribunaux en Suisse? C’est ce qu’a
suggere Michael Leupold, le nouveau directeur de l’Office federal
de la justice (OFJ), dans une interview parue dimanche dans la
SonntagsZeitung. Ce n’est pas aux juges de faire l’histoire et
de decider si des evenements historiques doivent etre qualifies
de genocide ou non, a-t-il releve. Pour resoudre le problème,
on pourrait s’en referer a une instance internationale, a explique
Michael Leupold. Tout en soulignant qu’il reste difficile de savoir où
finit la liberte d’expression et où commence la negation reprehensible
d’un genocide, il n’a pas exclu non plus l’hypothèse d’un abandon pur
et simple de la repression du negationnisme – d’ailleurs reclame en
France par nombre d’intellectuels de renom.

La revision de la norme penale contre le racisme, amorcee par
Christoph Blocher en visite officielle a Ankara avec le fracas que
l’on se rappelle, est le premier dossier politiquement chaud pour le
haut fonctionnaire tout juste en place depuis le mois de juillet.

Michael Leupold n’a pu se montrer extremement precis, tant la
reflexion semble en etre a ses debuts au sein du departement de
Christoph Blocher. "Le but est d’eviter aux tribunaux d’avoir a faire
eux-memes oeuvre d’historiens, developpe Folco Galli, porte-parole
de l’OFJ. Il serait imaginable de s’appuyer sur le jugement d’une
cour internationale, ou l’avis d’une commission internationale
d’historiens."

Pour l’heure, meme la question de la presence du president de la
Commission federale contre le racisme, Georg Kreis, au sein du groupe
de travail charge de preparer la reforme, reste floue. Souhaitee par
Pascal Couchepin, elle n’a pas encore fait l’objet d’instructions
que Michael Leupold aurait recues, a declare ce dernier a la
SonntagsZeitung. Le groupe de travail evoque a plusieurs reprises
par Christoph Blocher n’est constitue pour l’heure que d’une seule
personne, a indique Michael Leupold. Mais les superieurs de ce
fonctionnaire reflechissent egalement au problème de manière intensive,
a souligne le directeur de l’OFJ.

De la Shoah au genocide des Armeniens

En acquittant 12 accuses turcs, en 2001, la justice bernoise avait
releve qu’il etait difficile pour un tribunal de se prononcer sur des
evenements dont le caractère de genocide n’etait pas officiellement
admis ni par le parlement federal, ni par le gouvernement, ni
d’ailleurs par l’Assemblee generale de l’ONU ou le Conseil de securite.

L’article 261 bis du Code penal, entre en vigueur en 1995 après avoir
ete accepte en votation populaire l’annee precedente, erige en delit
le fait de nier, minimiser grossièrement ou chercher a justifier
un genocide ou d’autres crimes contre l’humanite. A la difference
de la legislation d’autres pays, les Chambres federales n’ont pas
limite le delit de negationnisme a la Shoah, meme si c’est bien la
contestation de l’existence des chambres a gaz qui est l’origine,
dans de nombreux pays europeens, de lois reprimant les negateurs.

La loi Gayssot de 1990 en France, de meme que la loi belge adoptee
quelques annees plus tard ont chacune limite la repression du
negationnisme au genocide perpetre par le regime nazi.

En 2005, un projet de loi a ete discute en Belgique pour elargir
cette norme a d’autres crimes de masse, dont le genocide des
Armeniens. Cette disposition renvoyait notamment aux genocides reconnus
par l’Assemblee generale ou le Conseil de securite des Nations unies,
ou par un Etat membre de l’Union europeenne. Mais il n’a pu etre
adopte encore, les discussions se poursuivant. En octobre dernier,
l’Assemblee nationale, en France, approuvait en première lecture,
contre l’avis du gouvernement, une loi reprimant specifiquement la
negation du genocide des Armeniens. Mais ce texte ne peut entrer en
vigueur avant que le Senat se prononce, et il est peu probable qu’il
le fasse avant l’election presidentielle du printemps prochain et la
nouvelle legislature.

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