RETORSION DE L’ARMEE TURQUE CONTRE LA FRANCE
Semo Marc
Liberation , France
17 novembre 2006
Un general a decrete la suspension des relations dans le domaine
militaire.
La declaration sonne comme un avertissement. "Les relations dans
le domaine militaire avec la France ont ete suspendues", a declare
mercredi soir le general Ilker Basbug, chef d’etat-major de l’armee
de terre, lors d’une reception marquant le 23e anniversaire de la
Republique turque autoproclamee de Chypre Nord. La reunion annuelle
qui passe en revue la cooperation militaire turco-francaise, prevue
en decembre, a deja ete annulee. Il s’agit de la première mesure de
retorsion directe contre la France, après le vote, mi-octobre, par
106 deputes, d’un projet de loi sanctionnant la negation du genocide
armenien entre 1915 et 1917. Le texte doit encore passer au Senat,
revenir a la Chambre, puis etre signe par le President.
Echanges.
Le chef de la diplomatie turque, Abdullah Gul, a affirme que, si cette
loi prenait effet, "les liens bilateraux seraient irreparablement
endommages dans les domaines economique, politique et de securite". Les
echanges entre la Turquie et la France se chiffraient en 2005 a 8,2
milliards d’euros. L’annonce du chef de l’armee de terre turque
a surpris. "Elle a ete faite dans un cadre informel, lors d’une
reception, pas sous la forme d’une communication officielle", a releve
un haut diplomate francais. Hier soir, le chef d’etat-major general,
le general Buyukanit, repute etre un faucon, n’avait pas confirme
cette annonce. La suspension ne concernerait que les relations
bilaterales, mais pas la cooperation au sein de l’Otan ou dans le
cadre d’operations multilaterales, comme en Afghanistan ou au Liban. A
Paris, on rappelle aussi que nombre de fournisseurs francais sont en
fait largement europeens, comme la societe franco-germano-espagnole
Eurocopter, filiale d’EADS, en lice pour un marche de 52 appareils
civils et militaires.
Obstacle.
L’armee, qui se veut la gardienne des valeurs republicaines, semble
vouloir obliger le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, a durcir
sa position. Au-dela des effets de manche, les reactions d’Ankara
sont restees contenues, car un appel officiel au boycottage des
firmes francaises aurait cree un nouvel obstacle dans les difficiles
negociations d’adhesion de la Turquie a l’UE.
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