57E BERLINALE: LES TAVIANI MONTRENT LE MASSACRE DES ARMENIENS PAR LES TURCS
Agence France Presse
14 fevrier 2007 mercredi 3:11 PM GMT
Les frères Taviani montrent a la Berlinale (8-18 fevrier) "Il etait
une fois en Armenie", la première fiction evoquant crûment ce que les
Armeniens et nombre d’historiens qualifient de genocide des Armeniens
par les Turcs en 1915, a travers le calvaire vecu par une famille.
Base sur le roman du professeur de litterature Antonia Arslan,
une Italienne d’origine armenienne, qui racontait l’histoire de sa
famille, "La masseria delle allodole", son titre original (2 heures
2 minutes), est montre hors competition, dans la section Berlinale
Special du festival.
La première projection publique etait prevue mercredi soir au palais
du festival a 20H30 GMT, sans dispositions de securite particulières,
selon la police interrogee par l’AFP, dementant des articles de
presse faisant etat du risque de protestations au sein de l’importante
communaute turque berlinoise.
Tout commence par une romance entre la belle Nunik Azakian (Paz Vega),
issue d’une famille bourgeoise armenienne, et un jeune officier turc
aux yeux bleus, pret a deserter pour l’epouser: "Je ne te demanderai
jamais de te convertir", lui promet-il, "nous serons les plus heureux
de la Terre".
Mais la première Guerre mondiale bat son plein et l’etat-major de
l’armee ottomane, confronte a des pertes humaines considerables,
decide de revigorer la fierte nationale en epurant le pays des
"traîtres" et des "espions".
Les victimes sont toutes trouvees: ce seront les Armeniens, qu’il
faut "arreter partout, jusque dans leurs maisons, les ecoles et les
hôpitaux", afin de confisquer leurs biens, qui reviendront pour moitie
a l’Etat et pour moitie a des familles turques.
Les hommes seront abattus sur le champ "par surprise", tandis que les
femmes et les enfants seront "deportes", marchant jusqu’a ce que mort
s’en suive.
Une fois l’ordre donne, les cavaliers venus d’Istanbul font irruption
dans la ferme des Avakian, où se sont refugies nombre d’Armeniens
apeures. Sabre au clair, ils decapitent, mutilent ou castrent tout
individu de sexe masculin, dont de nombreux enfants, arraches aux
bras de leur mère.
Bien que dechire entre son honneur militaire et son amitie pour la
famille, le colonel Arkan (le comedien francais Andre Dussolier)
execute les ordres.
Les femmes et les fillettes partent vers Alep a pied, cruellement
traitees par les soldats qui les affament, les violent nuit après
nuit et crucifient ou brûlent vives celles qui tentent de s’echapper.
"Toutes les scènes sont fondees historiquement, y compris les plus
cruelles. Nous n’avons pas voulu le cacher", a declare Vittorio
Taviani, l’un des realisateurs, âges de 78 ans, dans un entretien au
magazine allemand Der Spiegel.
"Nous ne parlons pas de genocide. Si c’en etait un, c’est aux
historiens de le decider", a complete son frère Paolo. "Nous parlons
de tragedie, ce n’est pas un documentaire, nous ne cherchons pas a
defendre une thèse ou une autre".
Selon le voeu de ses auteurs, dont les films — fortement engages,
depuis "Les Subversifs" en 1967 ou "Sous le signe du scorpion"
en 1969 — se basent sur une rigoureuse reflexion politique et
historique, "Il etait une fois l’Armenie" montre sans detours un
"massacre d’innocents".
Toutefois, l’intensite dramatique n’est pas toujours soutenue par
l’interpretation des comediens, quelquefois en-deca du tragique.
Au plan politique, le film devrait choquer le gouvernement turc,
qui rejette categoriquement la qualification de genocide.
De 1915 a 1917, les massacres et les deportations d’Armeniens sous
l’empire ottoman ont fait 1,5 million de morts selon les Armeniens,
entre 300.000 et 500.000 selon Ankara.
"Ce n’est pas un film contre la Turquie", plaide toutefois Paolo
Taviani, "au contraire, c’est un film pour tous ceux qui se preoccupent
de l’histoire en Turquie". "Je suis sûr que d’ici quelques annees le
film sera montre dans des ecoles turques", dit-il.
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