L’Armenie reve de sortir de son isolement

Agence France Presse
16 mars 2007 vendredi 5:15 AM GMT

L’Arménie rêve de sortir de son isolement (MAGAZINE)

KHOR VIRAP (Arménie) 16 mars 2007

Des remparts du monastère Khor Virap, le mont Ararat semble si
proche, à quelques kilomètres seulement. Le volcan éteint, symbole
par excellence de l’Arménie, est pourtant tellement loin, posé chez
l’"ennemi" turc. Comme un résumé de l’isolement de l’Arménie.

"Ararat symbolise toute l’Arménie, toute la souffrance dans notre
me", dit Arsene Eguikian, 32 ans, qui visite le monastère de Khor
Virap, excellent point de vue vers le Mont Ararat, ce sommet enneigé
censé selon la Bible avoir accueilli l’arche de Noé après le Déluge.

L’isolement, un problème majeur pour l’Arménie : les quatre
frontières du pays sont fermées ou posent problème, obligeant ce
territoire enclavé et pauvre en ressources de trois millions
d’habitants à lutter pour se frayer un accès au monde.

En 1993, la Turquie a fermé sa frontière en signe de soutien à
l’Azerbaïdjan, engagé à l’époque dans une guerre contre l’Arménie
pour le contrôle de l’enclave azerbaïdjanaise à majorité arménienne
du Nagorny Karabakh.

Seule voie d’accès des Arméniens : la Russie, son principal allié
économique et militaire, via la Géorgie. Las, les tensions
russo-géorgiennes compliquent singulièrement la situation.

Même cas de figure au sud avec la frontière iranienne, où certes un
nouveau gazoduc exporte le gaz iranien mais où la crise latente entre
Téhéran et Washington fait craindre des répercussions à la frontière.

Progressivement, l’Arménie, un pays fier de sa langue ancestrale et
de son alphabet propre, se voit écartée de tous les projets
d’envergure qui remodèlent le visage du Caucase.

Les oléoducs et gazoducs devant transporter les hydrocarbures
d’Azerbaïdjan aux marchés occidentaux passent par le nord. En
février, Bakou, Tbilissi et Ankara ont signé un accord pour une voie
ferrée est-ouest, évitant une nouvelle fois l’Arménie.

Du coup, Erevan s’appuie fortement sur son importante diaspora,
descendants des réfugiés du génocide arménien de 1915, en Europe,
notamment en France, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient.

Selon l’économiste Tigran Jrbachian, cette diaspora a participé en
2006 à hauteur de 1,2 milliard de dollars à un PIB évalué à 6,5
milliards de dollars.

"Les émigrés sont la version arménienne de la manne pétrolière",
résume l’économiste.

Selon M. Jrbachian, cet isolement forcé a un moins eu une vertu :
l’Arménie a dû oublier ses routes de commerce traditionnelles et
promouvoir des secteurs à forte valeur ajoutée, comme les hautes
technologies ou l’industrie du diamant.

"Je ne voudrais pas exagérer, mais nous avons malgré tout réussi à
obtenir des succès économiques dans des conditions de blocus par
l’Azerbaïdjan et la Turquie", se félicite un vice-ministre des
Affaires étrangères Arman Kirakossian.

Ces assurances cachent mal les craintes des Arméniens quant à leur
vulnérabilité. Beaucoup d’habitants s’inquiètent par exemple de la
manière avec laquelle les investisseurs russes absorbent une à une
les entreprises stratégiques arméniennes, notamment la plupart du
réseau énergétique du pays.

Arsen Eguikian espère que son pays sortira de l’isolement.

"Tout le monde ici (en Arménie) est pour l’ouverture de la
frontière", avec la Turquie, dit-il en regardant un village turc du
haut du monastère.

"La globalisation est en marche et nous ne pouvons pas en être
écartés", estime-t-il.

Les Arméniens ne feront "jamais" confiance aux Turcs, "mais quand il
faut parler le langage des affaires, alors tout le reste est relégué
au second plan", ajoute-t-il.

"Bien sûr que c’est difficile à supporter", estime également M.
Kirakossian. "Mais si nous avions des relations normales avec nos
voisins, alors les gens pourraient au moins venir en Arménie".