Les partisans de Hrant Dink reclament une justice impartiale

L’Express, France
2 juillet 2007

Les partisans de Hrant Dink réclament une justice impartiale
Reuters

Un millier de manifestants ont réclamé justice lundi à Istanbul
devant le tribunal où doivent être jugés 18 suspects dans le cadre de
l’assassinat de l’intellectuel turc d’origine arménienne Hrant Dink.

Ce dernier a été tué par balles en janvier par un jeune homme de 17
ans, qui a reconnu les faits. Le journaliste et écrivain avait
auparavant publié des textes sur le génocide arménien, contesté par
Ankara, en 1915, provoquant la colère des nationalistes turcs.

Plus de 100.000 personnes avaient assisté à son enterrement, en signe
de solidarité face aux violences des ultra-nationalistes.

"Tous unis contre le fascisme !", scandaient les manifestants devant
le tribunal dans le quartier de Besiktas, alors que commençait la
première audience.

La sécurité a été renforcée, avec la présence d’un demi-millier de
policiers.

Les avocats de Dink ont estimé que l’enquête sur sa mort n’avait pas
été correctement menée et ont mis en doute l’indépendance du
tribunal.

Ils craignent notamment l’implication dans le dossier de membres
ultra-nationalistes présents au sein de l’administration et de
l’appareil sécuritaire, en mesure de détourner la loi pour servir
leurs intérêts.

POSE HÉROÏQUE

Plusieurs journaux turcs ont rapporté lundi les propos de l’un des
principaux suspects, Yasin Hayal, qui expliquait que lui et ses
compagnons avaient tué Dink selon un ordre donné par des policiers.

"Je ne sais pas si c’était légal ou illégal, mais une chose est
certaine : il y avait un groupe au sein de la police qui nous
contrôlait", a-t-il écrit dans une lettre adressée aux procureurs,
dans des propos rapportés par le quotidien Radikal.

"Bien que vous ayez vu ceci, vous n’avez pas protégé nos droits.
Alors je vous le demande : si nous avons été utilisés pour le service
de l’Etat, n’est-il pas du devoir de l’Etat de protéger nos droits ?"

La police n’a pas réagi à ces accusations.

Plusieurs responsables de la police, dont le chef des renseignements
d’Istanbul, ont été renvoyés ou mutés à cause de leur traitement de
l’affaire Dink.

Peu après sa mort, un enregistrement vidéo avait été diffusé,
montrant l’assassin présumé prenant une pose héroïque au milieu de
membres des forces de sécurité qui semblaient le féliciter.

Dink travaillait à la compréhension mutuelle entre Turcs et
Arméniens. Il avait reçu de nombreuses menaces de mort, mais n’avait
pas bénéficié d’une véritable protection policière.

Ses écrits sur le génocide arménien par les Ottomans ont touché un
point sensible en Turquie, où la position officielle est qu’un grand
nombre de Turcs musulmans et d’Arméniens chrétiens sont morts lors
d’affrontements ethniques à la chute de l’Empire ottoman.