Turquie : le proces des assassins de Dink

Ouest-France
3 juillet 2007 mardi
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Turquie : le procès des assassins de Dink

par Burçin GERÇEK

ISTANBUL (de notre correspondante).- « Nous ne voulons pas d’une
Turquie où les assassins peuvent circuler librement dans les rues ! »
Scandant ce slogan, près de 2500 personnes étaient rassemblées, lundi
matin, près du tribunal d’Istanbul où s’est ouvert le procès des
meurtriers présumés de Hrant Dink. Le rédacteur en chef d’Agos avait
été tué de trois balles tirées à bout portant, le 19 janvier dernier,
devant le siège de cet hebdomadaire bilingue arméno-turc.

Négligences des forces de l’ordre

En dehors d’Ogun Samast, un chômeur de 17 ans qui a reconnu être le
tireur, et des ultranationalistes Yasin Hayal et Erhan Tuncel,
organisateurs présumés de l’assassinat, 15 autres personnes se
trouvent sur le banc des accusés. Mais pour les avocats de la famille
Dink, le dossier a été bclé: il tait les graves négligences, frôlant
la complicité, des forces de l’ordre et ne désigne pas les vrais
commanditaires.

L’enquête a pourtant démontré que les indics de la police et de la
gendarmerie avaient alerté 17 fois sur les préparatifs de
l’assassinat, sans que les forces de l’ordre ne prennent une seule
précaution. De surcroît, les gendarmes qui ont arrêté Samast ont été
filmés le traitant en héros, posant avec lui devant le drapeau turc.
Déjà impliqués dans l’attentat contre un Mc Donalds, les deux
commanditaires du meurtre avaient été très vite relchés dans le
passé. « Un groupe au sein de la police, dont je ne sais s’il est
légal ou illégal, nous a contrôlés. Si nous avons été utilisés pour
le service de l’État, n’est-il pas du devoir de l’État de protéger
nos droits ? » a écrit Hayal, en mai, aux procureurs.

Mais aucun de ces points ne figure dans le dossier d’accusation. Veli
Kuçuk, général en retraite qui avait menacé Dink avant sa mort et qui
est soupçonné d’avoir des liens avec des attentats imputés aux
milieux nationalistes, a aussi été exclu de la procédure.

Hrant Dink avait tenté de briser les tabous en s’exprimant sur des
sujets brûlants, dont le génocide arménien qu’Ankara refuse de
reconnaître. Mais les tabous, surtout en ce qui concerne « l’État
profond » (terme pour désigner la nébuleuse criminelle et
nationaliste incrustée dans l’appareil étatique) ont la peau dure en
Turquie. « Ce procès porte aussi sur la question de savoir dans quel
type de pays nous voulons vivre », a déclaré Fethiye Cetin, avocate
de la famille.