LE PELERINAGE DE QAREH KELISA, UNE BULLE CHRETIENNE DANS L’IRAN ISLAMIQUE
Agence France Presse
Chaldoran (Iran)
24 juillet 2007 mardi 4:50 AM GMT
(REPORTAGE)
Des milliers de pèlerins ont plante leur tente sur les flancs de la
montagne, l’air est charge d’encens, les clochent resonnent dans cette
vallee du nord-ouest de Iran: Qareh Kelisa, "l’eglise noire", accueille
la plus grande ceremonie armenienne de la Republique islamique.
Tous les etes, depuis cinquante ans, des Armeniens d’Iran et d’ailleurs
convergent vers Qareh Kelisa, perchee a moins de 25 kilomètres de la
frontière turque dans la province de l’Azerbaïdjan occidental.
Ces trois jours de prières et de fete commemorent Saint Thaddeus,
venu convertir la population au 1er siècle après Jesus-Christ.
Des centaines de milliers d’Armeniens vivent actuellement en Iran,
et leur presence dans le nord du pays remonte a des milliers d’annee,
ce qui peut expliquer que perdure cette tradition dans un pays où
les religieux chiites imposent un islam rigoriste.
"En reunissant les Armeniens de l’interieur et de l’exterieur d’Iran,
cette ceremonie renforce notre solidarite", affirme Hayk Norouzian,
un artisan de Teheran.
Quelque 4.000 Armeniens, la plupart iraniens, mais aussi en provenance
de l’Armenie voisine et des pays arabes comme le Liban et la Syrie,
sont venus remplir l’eglise pour les celebrations dirigees par les
patriarches de Teheran et de Tabriz.
"Le plus important, c’est que nous ayons preserve cette eglise dans
un pays musulman", estime Ani, une ingenieur informatique et membre
de la chorale.
"En Turquie, certaines eglises armeniennes ont ete detruites. C’est
une fierte d’avoir conserve cette eglises ici. Le gouvernement iranien
l’apprecie", ajoute la jeune trentenaire.
Il faut dire que Qareh Kelisa, construite sur la tombe de Saint
Thaddeus après qu’il eut ete tue par un roi païen, est le plus ancien
monument chretien d’Iran.
Avec ses coupoles pyramidales typiquement armeniennes et ses puissant
murs accroches a la montagne, l’eglise a resiste a au moins 15 siècles
de guerres et de tremblement de terre.
Au dela du caractère religieux, le pèlerinage est l’occasion pour les
Armeniens d’oublier les frontières qui les separent et de celebrer
une culture commune.
Il est neuf heures du matin, lorsque des pèlerins emergent de leurs
tentes attires par les accords entraînants d’un accordeon et le rythme
d’un tambour: mains au ciel, des hommes se lancent dans une danse
traditionnelle autour des musiciens, vite rejoints par des femmes.
Ces dernières se promènent en T-shirt, tete nue: le campement
aux abords de l’eglise noire ressemble a une bulle, loin des codes
vestimentaires islamiques. Les autorites laissant toute latitude aux
Armeniens de pratiquer leur rite.
L’Iran a toujours montre une certaine tolerance envers ses minorites
chretienne, juive et zoroastrienne, meme si une grande partie en a
quitte le pays depuis la revolution islamique de 1979.
"Nous sommes libres de prier et faire ce qui nous plaît. Les
organisations gouvernementales nous aident a nous sentir libres.
Personne ne vient nous embeter", assure Gevork Vartanian, l’un des
deputes armeniens du parlement iranien.
A l’entree de Qareh Kelisa ont ete disposes côte a côte les
portraits des deux patriarches armeniens… et ceux du president
Mahmoud Ahmadinejad, du guide supreme l’ayatollah Ali Khamenei et du
fondateur de la Republique islamique, l’imam Khomeiny.
Toutefois, les musulmans ne peuvent se joindre aux ceremonies. Les
Armeniens contrôlent les entrees du site et des responsables locaux
les routes y menant.
"Ce que j’aime c’est que nos jeunes viennent, qu’importe les
motivations religieuses, historiques ou sociales. C’est un lieu de
rencontre", se rejouit Rene Anour, un producteur de film independant
de Teheran.
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