Connaissez-Vous Artavazd Pelechian ?

CONNAISSEZ-VOUS ARTAVAZD PELECHIAN ?
par Jean Roy

L’Humanite, France
25 juillet 2007

Cinema . L’exhumation de l’oeuvre du grand poète armenien du reel
est l’unique sortie d’exception de cette semaine estivale.

Nous, les Saisons, Notre siècle, d’Artavazd Pelechian. Armenie. 1 h 44.

Il y eut Vertov, Dovjenko, Poudovkine, du temps du grand cinema
sovietique, qui, chacun a leur manière, travaillèrent le lyrisme.

Et aussi plus tard Tarkovski et Paradjanov, qui ajoutèrent aux
precedents leur dose de mysticisme. Mettez tout dans le shaker, agitez
bien, en sort un Pelechian, ne en 1938 et auteur d’une douzaine de
films, tournes entre 1964 et 1993, d’une duree de sept a cinquante
minutes. Inconnu, Pelechian ? Pas tout a fait. Ses films ont ete vus
et, de la galerie nationale du Jeu de paume a Paris au colloque de
Toulouse où il etait present, en passant par les rencontres de Gindou,
les hommages ne lui ont pas fait defaut.

Pourtant, c’est toujours un choc de retrouver son oeuvre comme cela
en sera un de la decouvrir. Pour ce documentariste, ce qui serait
chez tout autre une fin, n’est pour lui qu’un materiau de depart,
les mots d’un lexique dont la finalite est d’ordre poetique. Les
images, d’archives ou tournees par lui, sont en noir et blanc au
format ancien, muettes, la musique tenant lieu de liant. Composition
riche au demeurant, qui peut puiser dans le classique, comme
dans le folklore ou le rock, donnant au film son ton, qui va de la
pastorale a l’epique. Ainsi de ceux repris dans ce programme intitule
" Artavazd Pelechian, cineaste et poète du reel ". Nous (1969, 25 min)
pourrait etre l’allegro d’un concerto grosso pratiquant le montage des
attractions, au sens où l’entendait Eisenstein. Le visage d’un enfant,
des paysages, des trognes ouvrières, des funerailles et des explosions
composent un ensemble sur le thème du peuple armenien. Les Saisons
(1972, 29 min) en est la declinaison rurale en images saisissantes,
allant de la descente de la fenaison afin que les betes aient a
manger l’hiver jusqu’au secours de moutons perdus dans des eaux en
furie. Notre siècle (1982, 50 min) s’attache a Youri Gagarine et a
la conquete spatiale, n’omettant ni les pionniers de l’aviation au
depart de tout, ni le fait que ce qu’on appelle le progrès a aussi
dote l’homme d’outils pouvant etre mis au service de la mort. Il faut
frequenter Artavazd Pelechian.

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